Fusion dans l univers : nous sommes tous des poussières d étoiles Understand article
Traduction Nausicaa Delmotte. Henri Boffin et Douglas Pierce-Price de l'ESO à Garching (Allemagne) enquêtent sur notre ascendance céleste.
La prochaine fois que vous contemplerez les étoiles lors une balade nocturne, ayez donc une pensée amicale envers ces boules luisantes qui errent silencieusement dans le vaste Univers! Car d’une certaine manière ce sont vos ancêtres que vous regardez: les humains, toutes les autres créatures vivantes sur Terre – et la Terre elle-même – sont des enfants des étoiles! La plupart des éléments qui nous composent ou qui nous permettent de vivre, tels le carbone, l’oxygène, l’azote et bien d’autres, ont été créés dans les étoiles. Tout comme le fluor qui rend nos dents plus fortes!
La matière telle que nous la connaissons est composée de trois quarts d’hydrogène et d’approximativement un quart d’hélium. Tous les autres éléments ne sont présents qu’en infimes quantités et les astronomes ont tendance à appeler ces oligo-éléments tout simplement ‘métaux’, même s’ils ne sont pas vraiment métalliques. L’hydrogène et l’hélium furent créés au tout début, durant les toutes premières minutes de l’existence de l’Univers. Moins d’une seconde après le Big Bang, l’événement qui donna naissance à toute chose, les particules énergétiques éphémères furent ‘figées’ sous la forme des futurs constituants du noyau atomique: les protons et les neutrons. Cette ‘congélation’ fut cependant toute relative, car la température en ces instants était tout de même de plusieurs centaines de milliards de degrés!
Pendant la première seconde qui suivit le Big Bang, la température fut si haute que les protons et les neutrons entrèrent en équilibre. Mais bientôt la température chuta en dessous d’une valeur critique et les neutrons commencèrent à se désintégrer, chacun produisant un proton, un électron et un anti-neutrino. Cette désintégration fut rendue possible en raison de la masse plus grande des neutrons par rapport à celle des protons. L’Univers aurait ainsi été rapidement dépourvu de neutrons si n’était intervenue une autre réaction qui eut pour effet de les ‘préserver’ en combinant un neutron à un proton pour former le deutéron, c’est-à-dire le noyau de deutérium.
Le deutérium est aussi connu sous le nom d’hydrogène lourd et est le plus connu pour son importance dans les bombes nucléaires que les Allemands essayèrent de construire pendant la seconde guerre mondiale. Une fois les deutérons formés, d’autres noyaux plus lourds peuvent se former. Quand deux deutérons entrent en collision, ils produisent un neutron et un noyau d’hélium sous sa variante légère appelée hélium-3 et constituée d’un neutron et de deux protons. Le processus peut ensuite continuer de la sorte, produisant le noyau plus commun d’hélium-4 qui est composé de deux neutrons et de deux protons. Presque tous les neutrons de l’Univers aboutissent dans les noyaux d’hélium-4 courants, mais quelques noyaux d’hélium se combinent pour former des noyaux plus lourds, en donnant ainsi de petites quantités de lithium-7.
Résumons donc: trois mesures d’hydrogène, une mesure d’hélium-4, un petit peu de deutérium et d’hélium-3 et une pincée de lithium. Quelques minutes après le Big Bang, la grande soupe cosmique était prête et constituait la base pour tous les autres ingrédients à venir dans l’Univers: les étoiles, les planètes et finalement la vie. La préparation de cette soupe est étonnamment simple et même le cuisinier le moins expérimenté pourrait la tenter. En fait, l’équilibre entre les ingrédients ne dépend que d’un seul paramètre: la densité initiale de protons et de neutrons. Quand les astronomes mesurèrent la quantité de ces éléments dans l’Univers, ils trouvèrent des valeurs en très bon accord avec celles prédites par la théorie. Une telle concordance constitua un véritable coup dur pour les opposants à la théorie du Big Bang.
Mais qu’en est-il des éléments plus lourds? S’ils ne furent pas créés lors des premiers instants de l’Univers, d’où viennent-ils et quand furent-ils créés? La réponse réside au sein des étoiles.
À l’intérieur des étoiles, la température et la densité sont suffisamment élevées pour contrebalancer les forces qui induisent les noyaux atomiques à se repousser. Les noyaux peuvent ainsi fusionner. Dans l’édition numéro trois de Science in School, nous avons vu que la puissance du Soleil provenait de la fusion des noyaux d’hydrogène en hélium dans son cœur interne (Westra, 2006). Le même phénomène se produit pour toutes les étoiles qui sont situées sur la ‘séquence principale’, la phase pendant laquelle elles brûlent leur hydrogène.
Le mécanisme qui permet aux étoiles de produire l’hélium à partir de l’hydrogène dépend de la masse de l’étoile. Les étoiles de masse semblable ou inférieure à celle de la Terre convertissent l’hydrogène en hélium principalement au travers de la chaîne ‘proton-proton’ (voir image). Pour les étoiles plus massives, le mécanisme principal est le ‘cycle CNO’, dans lequel le carbone, l’azote et l’oxygène agissent comme des catalyseurs pour la fusion de l’hydrogène en hélium (voir image).
Le cycle CNO soulève un paradoxe manifeste: si les éléments carbone, azote et oxygène sont eux-mêmes produits dans les étoiles, comment peuvent-ils être utilisés comme catalyseurs pour fusionner l’hydrogène en hélium? La solution réside dans le fait que les étoiles se forment à partir des restes des générations d’étoiles précédentes. Les toutes premières étoiles ne contenaient en effet que de l’hydrogène et de l’hélium, qu’elles convertirent ensuite en éléments plus lourds. Ces éléments plus lourds furent libérés dans le milieu interstellaire quand les étoiles explosèrent en supernovæ. Le milieu interstellaire s’est alors enrichi progressivement en carbone, azote et oxygène et la génération suivante d’étoiles s’est formée avec de petites quantités de ces éléments, suffisamment pour agir comme des catalyseurs.
Pendant la séquence principale, la période la plus longue dans la vie d’une étoile, l’hydrogène est ainsi converti en hélium. Finalement, l’hydrogène est épuisé dans le centre de l’étoile, là où la combustion a lieu, et l’étoile évolue pour devenir plus grande, plus froide et plus rouge. Elle devient une ‘géante rouge’. Après une courte phase, la température et la densité augmentent suffisamment dans son cœur pour qu’apparaissent de nouvelles réactions. Cette fois, c’est l’hélium qui commence à brûler. Deux noyaux d’hélium peuvent fusionner pour former un noyau de béryllium. Bien que les noyaux de béryllium soient instables et que la plupart se désintégreront rapidement, certains entreront en collision avec un autre noyau d’hélium pour former un noyau de carbone. Le résultat net est le suivant: trois noyaux d’hélium forment un noyau de carbone. Une fraction des noyaux de carbone ainsi formés entre alors en collision avec d’autres noyaux d’hélium pour former de l’oxygène. Ainsi, dans le cœur de ces étoiles géantes, l’hélium est converti en un mélange de carbone et d’oxygène.
Pour les étoiles seulement quelques fois plus massives que le Soleil, c’est alors la fin. Une fois le cœur de carbone-oxygène formé, l’étoile éjecte son enveloppe externe sous la forme d’une ‘nébuleuse planétaire’, en laissant derrière elle une naine blanche.
En revanche, pour les étoiles plus massives, l’aventure continue. La force gravitationnelle exercée par une étoile de ce type est encore forte et cela conduit le cœur à se contracter toujours plus. La densité et la température augmentent de telle sorte que de nouvelles réactions nucléaires conduisant à la création d’éléments encore plus lourds sont alors possibles. Ainsi sont produits des éléments tels que le néon, le magnésium et le silicium. Viennent ensuite le soufre, le chlore et le calcium. Tous ces éléments ont un nombre de nucléons multiple de quatre, car ils proviennent de la combinaison des noyaux d’hélium. Comme le noyau d’hélium est aussi appelé une particule alpha, ces éléments sont connus comme les éléments alpha et sont en quantité plus abondante que les autres éléments plus lourds.
Toutefois, la capture de l’hélium n’est pas le seul processus possible qui permette de former les éléments plus lourds. Plus rarement, les noyaux peuvent aussi capturer d’autres particules comme les neutrons, les protons et les deutérons. Tout un assortiment d’éléments tels que le fluor ou le sodium peut être produit de la sorte. Cependant, ces éléments sont présents en plus faibles quantités.
Finalement, le nickel 56 est formé via le processus alpha (c’est-à-dire par la combinaison des noyaux d’hélium). Son noyau, qui contient 28 protons et 28 neutrons, est instable et se désintègre spontanément en fer 56 qui lui est stable et contient 26 protons et 30 neutrons. Jusqu’alors, toutes les réactions qui ont eu lieu dans l’étoile ont produit de l’énergie, ce qui a permis à l’étoile de continuer sa vie et de ‘combattre‘ la gravité. Mais avec la formation du fer 56, cela n’est plus possible. Le fer 56 étant le noyau le plus stable qui existe (il a l’énergie de liaison nucléaire la plus grande), il ne peut être transformé en d’autres éléments que grâce à un apport en énergie lors de la réaction, au lieu de produire de l’énergie en sortie. L’étoile ne peut donc pas utiliser ces réactions nucléaires pour se soutenir. La production d’un cœur de fer dans une étoile massive signe alors son destin: l’étoile ne peut plus lutter contre la gravité. Elle s’effondre sur elle-même et après le rebond et l’onde de choc qui s’ensuivent, elle meurt dans une explosion grandiose et spectaculaire: c’est une supernova. En explosant, l’étoile va répandre dans le milieu interstellaire tous les éléments qu’elle a créés, ainsi que ceux qu’elle a créés juste avant de mourir. Mais c’est une autre histoire…
La prédiction d’un génie
Le processus triple-alpha (voir l’image) est un exemple de capture de l’hélium. C’est une réaction en deux étapes dans laquelle le noyau de carbone est formé à partir de trois noyaux d’hélium. Tout d’abord, deux particules alpha (des noyaux d’hélium) entrent en collision pour former le noyau de béryllium 8. Celui-ci est instable et se désintègre très rapidement. En dépit des apparences, il est très improbable qu’un troisième noyau d’hélium puisse être capturé avant la désintégration du béryllium 8. Pour créer des quantités importantes de carbone dans l’Univers, il semble donc nécessaire qu’un facteur supplémentaire intervienne pour rende possible une combinaison plus probable.
Or, nous savons que le carbone existe. Si tel n’était pas le cas, nous autres humains, ainsi que toute vie sur Terre, ne serions pas là pour en discuter, et vous ne seriez pas en train de lire cet article! En utilisant cet argument simple mais fondamental, le célèbre astronome britannique Fred Hoyle (1915-2001), dans un trait de génie caractéristique, prédit qu’un facteur favorisant supplémentaire devait en effet exister. Les scientifiques se tournèrent alors vers les expériences de laboratoire. Et cela n’a pas manqué, ils découvrirent une ‘résonance’ jusque-là inconnue entre le niveau d’énergie du couple béryllium 8 et hélium 4, et celui du noyau de carbone 12 qu’ils forment. Cette résonance augmente grandement la probabilité d’une combinaison réussie, tout comme le prédisait Hoyle. C’est un exemple fascinant d’une prédiction scientifique construite sur la base du simple argument que les scientifiques (et la vie elle-même) puissent même exister pour y penser (*).
(*) NDLT: Voir le principe anthropique.
References
- Westra MT (2006) Fusion dans l’Univers: la puissance du Soleil. Science in School 3.
Web References
- Pour plus d’informations sur l’ESO (l’Organisation européenne pour des recherches astronomiques dans l’hémisphère austral) et ses projets éducatifs, visitez: www.eso.org/public/outreach/eduoff/