La lumière vivante : chimie de la bioluminescence Teach article

Traduit par Maurice Cosandey. Comment illuminer vos leçons de chimie à l’aide de la bioluminescence.

Une méduse bioluminescente
Photo Chris Favero. Source de
l’image : Flickr

Les spectacles de bioluminescence sont l’une des merveilles de la nature. Depuis des millénaires, les gens ont été fascinés par la danse des vers luisants, ou par les vagues bleues du plancton marin. Cette fascination est toujours pareille de nos jours, mais aujourd’hui la chimie permet d’expliquer ce qui se passe, et de l’utiliser dans nos laboratoires.

Il existe une grande variété d’organismes qui produisent de la lumière, que ce soit des insectes, des poissons, des mollusiques ou des bactéries. L’écrivain romain Pline l’Ancien avait déjà observé que la crevette Pholas dactylus émet de la lumière quand on la mange. Il avait aussi note que le lichen Omphalotus olearius est lumineux de nuit.

Mais les spectacles les plus fabuleux dus à la bioluminescence proviennent du plancton de dinoflagellés, qui rendent les vagues  de l’océan lumineuses de nuit.  On trouve des formes exotiques de bioluminescence dans les profondeurs obscures des fosses océaniques. Le poisson angler utilise  un éperon lumineux pour attirer ses proies.

Le ver luisant, Photinus
pyralis

Photo Terry Priest. Source de
l’image : Flickr

La bioluminescemnce, qui est donc la lumière produite par les êtres vivants, est assez répandue dans la nature. Mais dans quel but ? En fait, il y en a beaucoup :

  • Produire un aspect repoussant ou toxique. Exemple : les vers luisants Photinus ignitus, et Lucidata atra
  • Effrayer les prédateurs en émettant un bref éclair lumineux. Exemple : Poisson-lanterne.
  • Attirer un partenaire sexuel. Exemple : les vers luisants.
  • Attirer les proies dans l’obscurtié. Exemple : poisson angler.
  • Disparaître à la vue. Vu de dessous, un poisson nageant à surface de l’eau paraît moins sombre s’il est lumineux, donc les prédateurs le voient moins bien. Exemple : le calmar Abralia verany.

Couleurs luisantes

La bioluminescence peut produire différentes couleurs, mais surtout le bleu, le vert et le jaune. La couleur dépend de l’environnement. Le bleu est favorisé par les animaux vivant dans les profondeurs de l’océan, le vert près des côtes: Sur terre ferme et en eau douce,  c’est  le jaune et le vert qui sont favorisés.

On peut se demander quelle est la réaction chimique qui conduit à l’émission de lumière. Et comment obtient-on des couleurs différentes?

Chimiquement parlant, la bioluminescence est due à l’oxydation de substances dites luciférines, qui dégagent de l’énergie sous forme de lumière. Ces réactions sont catalysées par des enzymes dites luciférases. Après oxidation, les luciférines forment des oxyluciférines. La table 1 présente les luciférines propres à certaines espèces et les oxyluciférines correspondantes.

Espèce bioluminescente

Nom de la luciférine

Nom de l’oxyluciférine

Table 1. Description des luciférines et oxyluciférines présentes dans certains organismes bioluminescents

Dinoflagellés

Luciférine des dinoflagellés

C33H3806N4Na2

Calmar, crevettes

Coelenterazine

C26H2103N3

Vers luisants

Luciférine des vers luisants

C11H8N2O3S2

Ces réactions sont extrêmement efficaces, car 98% de l’énergie disponible est émise sous forme de lumière. C’est bien mieux que les lampes électriques à filament, dont le rendement énergétique n’est que de 2%, le reste étant perdu sous forme de chaleur.

Quelques luciférines peuvent produire de la lumière de plusieurs couleurs. Voir table 2. Et il existe des substances, dites fluorophores, qui changent la couleur de la luminescence. C’est le cas de la méduse Aequora Victoria, qui contient un fluorophore connu sous le nom de protéine fluorescente verte (GFP).Cette GFP absorbe la lumière bleue émise par la réaction initiale, et la réemet sous forme de lumière verte. Donc la dite méduse produit une bioluminescence verte.

Luciférine

Maximum de luminescence

Couleur approchéew1

Table 2. Les couleurs de auelques luciférines
Ver luisant 560 (at pH=7.1) Vert
Green

615 (at pH=5.4) Orange
Orange

Luciférine bactérielle 490 Turquoise
Turquoise

Luciférine de flagellé 474 Bleu
Blue

Coelenterazine 450-480 as an anion Bleu-vert
Blue to turquoise

400 in the –COOH form Violet
Purple

Ce système de bioluminescence a trouvé récemment un usage en biologie : le gène qui encode la GFP est maintenant utilisé comme “etiquette” génétique pour tracer une protéine spécifique et révèler les gènes qu’elle exprime. Comme la GFP émet dans le vert sous éclairage bleu ou UV, elle est très facile à détecter (voir Furtado, 2009). Ce travail a valu le Prix Nobel de chimie 2008 à son auteurw2.

Heureusement pour nous, il est facile d’effectuer en laboratoire les réactions chimiques qui causent la bioluminescence, comme on va le voir ci-dessous.

Une exérience d’étudiant : observer la bioluminescence

Dans cette activité, les étudiants peuvent observer une réaction qui émet de la lumière quand on mélange deux  réactifs. L’ingrédient principal est le luminol, une substance synthétique qui produit de la lumière bleue, quand elle réagit chimiquement. La lucifèrine et le luminol sont différents, mais le résultat visible est le même. malgré que le catalyseur soit le ferricyanure plutôt qu’un enzyme. Pour plus de details, voir Welsh, 2011.

L’étape finale de cette expérience doit être effectuée dans l’obscurité, pour mieux observer l’émission de lumière.

Matériel

  • 1 g luminol (5-amino-2,3-dihydrophthalazine-1,4-dione)
  • 50 ml solution d’hydroxide de sodium (NaOH) 10% en poids
  • 50 ml solution de ferricyanure de potassium (K3[Fe(CN)6]) 3% en poids
  • Environ 0.5 g ferricyanure de potassium (K3[Fe(CN)6])
  • 3 ml peroxyde d’hydrogène (H2O2) 30%
  • Eau distillée
  • Des béchers
  • Un entonnoir
  • Des cylindres gradués
  • Un flacon

Mode opératoire

 Note de sécurité

Les lunettes de protection, une blouse et des gants doivent être portés. Attention en manipulant H2O2 qui réagit violemment en présence de catalyseur. Fermer le flacon aussitôt après le prélèvement des 3 mL nécessaires.

Consultez aussi la notice générale de sécurité de Science in school.

  1. Dissoudre 1 g luminol dans un bécher contenant 450 mL eau distillée.
  2. Ajouter 50 mL de solution de NaOH à 10%, et mélanger.
  3. Verser 50 mL de la solution résultante dans un autre bécher et y ajouter 350 mL eau distillée. Cela donne la solution A.
  4. Verser 50 mL de ferricyanure de potassium à 3% dans un 3ème bécher contenant 350 mL eau distillée et 3 mL de peroxyde d’hydrogène 30%. Cela donne la solution B.
  5. Prélever des volumes égaux des solutions A et B dans 2 cylindres séparés.
  6. Mettre un peu de ferrocyanure de potassium dans le flacon équipé d’un entonnoir.
  7. Place le flacon dans l’obscurité.
  8. Verser les solutions A et B en même temps dans le flacon. Observer.

La solution se met aussitôt à émettre une vive lumière bleue.

 

  1. Elimination. Chauffer et évaporer la solution sous ventilation de manière à  réduire son volume au 1/8 de sa valeur initiale. Jeter le résidu dans le bidon des résidus de solutions métalliques.

Que s’est-il passé?

L’oxydation du luminol se produit en plusieurs étapes

  1. Quand on prépare la solution A (étape 2), le luminol réagit avec la base OH.
Step 1
  1. Quand on prepare la solution B (étape 4), le peroxide d’hydrogène forme l’anion radicalaire superoxide O2. Cette reaction est catalysée par l’ion hexacyanoferrate(III)
  2. Quand on mélange les solutions A et B (étape 8), le luminol est oxydé en anion radicalaire par l’ion hexacyanoferrate(III)
Step 3

L’oion hexacyanoferrate(III) joue ici à la fois le rôle de catalyseur pour la formation de l’ion radicalaire superoxide O2 et celui d’oxydant du luminol.  Le fer doit être present sous forme d’un complexe comme [Fe(CN)6]3-, afin de prévenir la formation d’un précipité Fe(OH)3 en milieu fortement basique.

  1. L’anion radicalaire luminol réagit alors avec l’anion radicalaire superoxyde O2:
    Step 4

  2. Le composé résultant est instable et se décompose en azote et une forme excitée de l’ion aminophtalate:
    Step 5

  1. La forme excitée se désexcite ensuite en une forme stable, et la différence d’énergie est émise sous forme de lumière.
    Step 6

Questions pour une discussion

  • D’où vient l’énergie émise sous forme de lumière dans la reaction du luminol?
  • Quel est le rôle du ferricyanure de potassium ? Dans la bioluminescence, quelle substance joue ce role?
  • Quelle substance joue le rôle d’oxydant dans la reaction du luminol ? Est-ce la meme que dans la nature?

Extensions possibles

Il existe beaucoup d’informations au sujet de la bioluminescence. Voir la section des ressources par exemple. Les élèves peuvent effectuer leurs propres recherches dans les domaines suivants:

  • Emploi de la bnioluminescence dans la nature. Identifier quelques espèces pour qui l’adaptation à la bioluminescence est bénéfique, voire essentielle.
  • Chimie de la bioluminescence. Découvrir quelques réactions naturelles de chimiluminsexence. En quoi ressemblent-elles à celle du luminol?
  • Couleurs de la biuoluminescence. Comment ces couleurs sont-elles produites?
  • Evolution de la bioluminescence.  Ce phénomène s’est-il produit souvent?
  • Investigations criminelles. Illustrer comment le luminol est utilisé en police scientifique, et à l’aide de quelles réactions chimiques. Voir Welsh, 2011.

 

Etudier la chimie selon Pline l’Ancien

Cette activité fait partie d’un vaste projet interdisciplinaire, développé avec des élèves de 14 et 15 ans, pour explorer les techniques scientifiques de l’Antiquité. Pline l’Ancien (23 – 79 ap. J.-C.)  est l’auteur de l’encyclopédie Naturalis Historia, qui rassemblait l’ensemble des connaissances scientifiques de l’époque.  L’analyse de ce texte en classe est toujours suivie d’une tentative de recréer l’expérience décrite ou quelque chose de similaire.

En fait, les élèves sont presque dans le même état d’esprit scientifique que Pline. Mais la discussion et l’expérience leur donnent une meilleure connaissance  de la réalité. Cette approche a motivé même les élèves non scientifiques.

D’autres activités ont été inclues dans ce projet, comme la synthèse de l’indigo (Farusi, 2012), celle des anciens parfums (Farusi, 2011), ou celle de l’encre à base de galle (Farusi, 2007). L’ensemble du projet  a été présenté au festival de Science on Stagew3 qui s’est tenu à Copenhague, Danemark, en 2011.


References

Web References

  • w1 – La référence convert a wavelength in nanometres to an RGB or hexadecimal colour est disponible sur le site gratuit Academo, avec d’autres ressources éducatives.
  • w2 – L’attribution du Prix Nobel à Osamu Shimomura, Martin Chalfie et Roger Tsien se trouve sur le site 2008 Nobel Prize for Chemistry.
  • w3 – Science on Stage est un réseau d’événements locaux, nationaux et internationaux à l’intention des maîtres. Il a été lancé en 1999 par EIROforum, qui est l’éditeur de Science in School. Chaque pays sélectionne les maîtres qui ont le mieux innové leur enseignement de science et les envoie au prochain festival international de Science on Stage. 25 pays y sont représentés avec en tout 350 maîtres de science de niveau primaire et secondaire, qui présentent chacun leurs innovations.
    Le prochain festival international se tiendra du 29 juin au 2 juillet 2017 à Debrecen, en Hongrie. On attend des participants de 25 pays. Les maîtres des science qui seraient intéressés d’y participer voudront bien contacter leur comité national.

Resources

Institutions

Science on Stage

Author(s)

Gianluca Farusi enseigne la chimie dans l’école Istituto Tecnico Industriale Galileo Galilei, à Avenza.Carrara, Italie. Il enseigne la stoechiométrie à l’Université de Pise, dans le cours de chjmie et de technologie médicale. De plus, il coordonne dans sa région le projet ministériel italien Insegnre Scienze Sperimentale  et le programme REACH (registration, evaluation, authorization, and restrictin of chemicals) au niveau des écoles secondaires. Il enseigne depuis 20 ans, et rien ne le gratifie davantage que de voir le sourire de satisfaction sur le visage de ses élèves quand ils ont saisi un concept chimique difficile.

Susan Walt est un écrivain scientifique freelance. Elle a étudié les sciences naturelles à l’Université de Cambridge, UK. Elle a travaillé pour plusieurs éditeurs et organisations scientifiques. Elle s’intéresse spécialement à l’éducation scientifique.

Review

La bioluminescence a fasciné les gens pendant des milliers d’années. Elle continue à faire l’objet de recherches, en particulier dans l’exploration sous-marine. Les réactions chimiques qui conduisent à l’émission de lumière sont biochimiques. L’activité pratique décrite dans cet article permet au maître de parler de sciences d’une manière qui plait aux élèves.

Marie Walsh, Limerick Institute of Technology, Irlande

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