Le caoutchouc de demain sera-t-il tiré des dents-de-lion ? Teach article
Une variété de dents-de-lion russe permet de fabriquer du caoutchouc naturel. Découvrez comment y parvenir, en cultivant cette plante, et en en extrayant le caoutchouc de ses racines.
Regardez autour de vous : combien d’objets sont faits en caoutchouc ? On peut citer les gommes à effacer, les bandes élastiques et les pneus. En fait c’est plus de 40’000 produits courants qui sont fabriqués chaque jour en caoutchouc. Comme la demande est élevée, les scientifiques sont à la recherche de nouvelles sources de caoutchouc. Et il semble qu’il existe une variété de dents-de-lion russe qui puisse en fournir de grandes quantités : l’espèce dite Taraxacum kok-saghyz.
Nous avons développé deux méthodes simple pour extraire le caoutchouc des racines sèchées de la dent-de-lion russe. Dans la première méthode, les élèves écrasent les racines, et extraient les particules de caoutchouc de la poudre obtenue, pour faire une gomme à effacer. Dans la deuxième méthode, on traite la racine à l’hydroxyde de sodium pour détruire la partie ligneuse de la racine. Les élèves peuvent ensuite étirer les filaments de caoutchouc résiduels. Cette activité dure deux heures, et peut s’effectuer par groupes de trois à quatre élèves de plus de 11 ans.
Origine du caoutchouc
La plus grande partie du caoutchouc naturel provient des plantations de l’arbre dit Hevea brasiliensis, dont 90% est cultivé en Asie du Sud-Est. Le développement de ces cultures a entraîné une déforestation rapide et ce caoutchouc est avant tout utilisé pour faire des pneus. Vu la chute des prix sur le marché, due à la concurrence du caoutchouc synthétique, et suite aux maladies de l’hévéa, bien des cultivateurs ont abandonné l’hévéa pour se consacrer à des cultures plus profitables comme l’huile de palme. L’avenir des plantations d’hévéa est donc incertain. On peut bien sûr produire du caoutchouc à partir du pétrole, mais les réserves de cette matière ne sont pas inépuisables. Il est donc important de trouver un substitut au pétrole et à l’hévéa, qui soit si possible renouvelable.
Découverte de la dent-de-lion russe.
La dent-de-lion russe, ou Taraxacum kok-saghyz, a été découverte en 1931 dans le Kazakhstan oriental. La plante a des fleurs jaunes comme celle d’Europe. Mais ses racines contiennent un pourcentage de caoutchouc bien plus élevé que celle d’Europe. Très vite, l’URSS s’est mise à cultiver cette plante à grande échelle afin de se libérer de l’obligation d’acheter du pétrole à l’étranger (voir Göbel & Gröger, 2016). D’autres pays, comme les USA et l’Allemagne, ont exploité cette ressource, vu que les Japonais avaient occupé les plantations d’hévéa asiatiques dès le début de la guerre 1939 – 1945. A la fin de la guerre, les plantations d’hévéa sont redevenues accessibles, et la recherche sur la dent-de-lion a été abandonnée.
Comment remplacer le caoutchouc naturel.
Aujourd’hui, les recherches sur la dent-de-lion ont repris. Les pneus Continental et l’Institut Fraunhofer de biologie moléculaire de l’Université de Münster (Allemagne) ne sont que deux des organisations qui cherchent à faire du caoutchouc avec de la dent-de-lion russe.
Si on la compare à l’hévéa, la dent-de-lion résiste mieux aux maladies et elle peut croître dans des sols pauvres. Elle peut donc être cultivée à l’échelle locale, ce qui réduit la dépendance aux importations. Elle croît aussi plus vite que l’hévéa. On peut la moissonner deux fois par an, tandis qu’il faut attendre 7 à 10 ans avant qu’on puisse collecter la sève de l’arbre à caoutchouc. De plus, la dent-de-lion a l’avantage de produire aussi de l’inuline comme sous-produit, et l’inuline est un substitut du sucre, et peut-être du diesel.
Structure et propriétés du caoutchouc
Le caoutchouc possède des propriétés physiques et chimiques uniques. Il est constitué d’un élastomère, donc d’un polymère élastique, qui peut être étiré au double de sa longueur sans se déchirer. Le caoutchouc naturel est formé de longues chaînes de cis-1,4-polyisoprène (figure 1), contenant chacune environ 30 000 monomères d’isoprène. Les chaînes sont interconnectées entre elles comme dans un plat de spaghettis. Si on étire du caoutchouc, les chaînes glissent les unes sur les autres sans se rompre (figure 2).
Préparation de la plante
Avant de se livrer aux activités qui suivent, il faudra d’abord cultiver des dents-de-lion russes et en récolter les racines. Cette préparation dure sept mois et s’étend environ de février à septembre. Les graines peuvent être achetées en lignew3. Elles devraient être semées dans des serres contrôlées. Au bout de deux mois, on peut transférer les plantons dans des boîtes à fleurs. Les racines se récoltent dès le mois d’août. Il faut ensuite les sécher, en les abandonnant à l’air sur du papier absorbant, à température ordinaire pendant 3 à 4 semaines.
Activité préliminaire
Avant d’effecter les deux activités principales, éveillez l’intérêt de vos élèves en leur parlant de l’avenir du caoutchouc et de la dent-de-lion russe.
Mode d’approche
- Demandez à vos élèves d’établir une liste des produits courants à base de caoutchouc.
- Montrez leur une photo de la dent-de-lion russe. Demandez leur d’imaginer le rapport entre cette plante et le caoutchouc. Pour les metre sur la piste, demandez leur d’où vient le caoutchouc naturel.
- Donnez une racine sèche de dent-de-lion russe à chaque élève. Demandez leur de casser prudemment la racine en deux, pour qu’ils voient les filaments élstiques dans la racine (figure 3). Attention ! ces filaments se brisent facilement si on est trop brusque.
1ère activité : Fabriquer une gomme avec une dent-de-lion
Dans cette activité, les élèves extrayent le caoutchouc d’une racine séchée et en font une gomme à effacer.
Matériel
Chaque groupe de 3 à 4 élèves a besoin de :
- 3 à 4 morceaux de racines de dent-de-lion russe séchées. Les fragments de racine devraient avoir un diamètre de 1 mm, et une longueur de 2 – 3 cm
- Un mortier et un pistil
- Des pinces fines, du genre brucelles
- Un verre de montre
- De l’eau
Mode opératoire
- Placer les morceaux de racines séches de dent-de-lion dans le mortier (figure 4). Plus le nombre de morceaux est grand, plus on aura de la peine à les écraser.
- Ecraser les racines pendant 5 à 10 minutes avec un pistil, jusqu’à obtenir une poudre homogène (figure 5).
- Pendant cet émiettement, prélever tous les grains bruns trouvés dans le mortier avec une pince à épiler, et les déposer sur le verre de montre. C’est du caoutchouc.
- Continuer le broyage des racines tant qu’on voit des grains bruns.
- Laver le mortier à grande eau pour éliminer les restes de bois. Verser les particules de caoutchouc dans le mortier, qui doit être un peu humide (figure 6)
- Ecraser les particules de caoutchouc pour qu’elles s’agglomèrent (figure 7) et forment une gomme de 0.5 à 1 cm de long (figure 8)
- Frotter la gomme sur un trait de crayon tracé sur une feuille de papier. On peut assembler plusieurs gommes pour en faire une plus grosse.
2ème activité : Raffinage des fils de caoutchouc
Le caoutchouc extrait des racines de dents-de-lion fraiches est une émulsion de microparticules de polymère, qui ressemble à la sève de l’hévéa. Dans les racines sèches, le caoutchouc est solide. Les élèves vont le découvrir en détruisant la matière fibreuse, ce qui libèrera le caoutchouc
Matériel
Chaque groupe de 3 à 4 étudiants utilisera :
- 1 – 2 fragments de racines de dent-de-lion russe séchées, dont le diamètre devrait être d’environ 0.5 cm et de 3-4 cm de longueur.
- 5 mL de solution d’hydroxyde de sodium NaOH à 3%
- Un tube à essais
- Un bain marie préchauffé à 90°C
- Des pinces fines, genre brucelles
Note de sécurité :
La solution d’hydroxyde de sodium est très corrosive. Les élèves doivent porter des blouses et des lunettes de protection. Voir aussi la note de sécurité générale.
Mode opératoire
- Placer un fragment de racine de dent-de-lion dans un tube à essais.
- Couvrir la racine avec la solution d’hydroxyde de sodium.
- Placer le tube à essais dans le bain-marie pendant une heure. La solution, claire au début, va peu à peu brunir, mais restera transparente.
- Au bout d’une heure, enlever la racine du tube à essais à l’aide de la pince fine. Elle aura un aspect plus mou.
- Laver prudemment cette racine en l’agitant dans l’eau du bain-marie, et en la tenant toujours avec des pinces. Le matériau fibreux de la racine va être éliminé. On peut s’aider de la pince pour enlever les tissus résiduels. On obtient à la fin un fin réseau de fils de caoutchouc blanc.
- Etendre le réseau de fils en les écartant (figure 9).
Questions à discuter
Parallèlement aux activités, on peut aborder les questions suivantes avec les élèves, de manière à leur enseigner les différentes sortes de caoutchouc et leurs propriétés.
- Quels sont les avantages et les désavantages du caoutchouc tant synthétique que celui issu de l’hévéa ?
- Pourquoi est-il important de chercher une alternative au caoutchouc, comme par la dent-de-lion russe ?
- Que voit-on en cassant en deux une racine de dent-de-lion ?
- Sous quelle forme se trouve le caoutchouc dans les racines sèches ?
- Quels sont les avantages et les désavantages du caoutchouc de dent-de-lion ?
- Comment expliquer l’élasticité du caoutchouc ?
Activités ultérieures
Pour étendre le domaine de cette étude, on peut chercher à détecter la présence de doubles liaisons dans le polyisoprène, en utilisant par exemple du brome, ou du permanganate de potassium (test de Baeyer) ou la réaction colorée de Burchfield (voir Göbel & Gröger, 2017).
References
- Göbel M, Gröger M (2016) Kautschukforschung am russischen Löwenzahn in der Zeit um den Zweiten Weltkrieg. Praxis der Naturwissenschaften – Chemie in der Schule 8(65): 19–22
- Göbel M, Gröger M (2017) Alternative Kautschukquellen am Beispiel des russischen Löwenzahns experimentell erschließen. Praxis der Naturwissenschaften – Chemie in der Schule 2(66): 26–30
Web References
- w1 – Vidéo expliquant comment les chercheurs utilisent la dent-de-lion russe comme substitut de l’hévéa : video from the Fraunhofer Institute.
- w2 – Vidéo expliquant comment faire du caoutchouc pour pneu avec la dent-de-lion russe : video from the tyre company Continental.
- w3 – Les graines de dents-de-lion russes, Taraxacum kok-saghyz, sont en vente sur le site All Good Things Organic Seeds website.
Resources
- L’extraction du caoutchouc et de l’inuline est décrite dans : rubber and inulin production from the Russian dandelion.
- Il existe un projet européen cherchant à déveloper le caoutchouc issu des dents-de-lion : the European DRIVE4EU project.
- On est parvenu à accroître la teneur en caoutchouc des dents-de-lion russes par la technique d’édition des gènes CRISPR-Cas9. Voir : Chemical & Engineering News.
Review
Nous vivons dans un temps où nous devons reconsidérer nos habitudes et nos ressources naturelles. Cet article, qui présente comment faire du caoutchouc à partir de dent-de-lion, peut être utilisé dans les cours de chimie, de biologie et des sciences de l’environnement. Il alimente les discussions sur les ressources en énergie durable et renouvelable, et celles sur la biodiversité.
L’article décrit une activité nouvelle en utilisant les racines d’une dent-de-lion russe. L’espèce de Taraxacum doit être cultivée à l’avance, et si possible semée en février si on veut faire l’expérience avec les élèves en automne. On suit tout le procédé, de la graine semée au caoutchouc final.
Ingela Bursjää, maître de sciences et chercheur en éducation scientifique à l’Ecole Johanneberg, Suède