La biochimie des bananes Teach article

On peut en apprendre beaucoup sur les processus de biochimie en faisant des expériences simples et rapides sur ces fruits bien connus.

La banane est l’un des fruits les plus populaires au monde, car on en consomme plus de 100 milliards chaque année. Si elles forment une nourriture d’appoint pour des millions de gens, elles sont une source de revenu essentielle en Amérique latine.

Les bananes font partie de la classe des Musa, qui comprend 70 espèces, dont les plantains. Mais la plupart des bananes du commerce sont de la variété Cavendish. Elles sont obtenues par reproduction asexuée, donc elles sont génétiquement identiques. Ce défaut de biodiversité les rend vulnérables aux attaques de parasites, comme le champignon Fusariumw1qui cause souvent des infections globales.

On sera peut-être surpris d’apprendre que les bananes permettent de comprendre certains processus biochimiques, comme le métabolisme du sucre, le stockage de l’amidon, la production de mélanine et celle de l’arôme de banane. Ces activités peuvent parfaitement être exécutées par des élèves de niveau secondaire à différents niveaux.

Les bananes  fournissent un modèle utile pour comprendre la biochimie des organismes vivants Hanna_photo/Shutterstock.com

Activité no. 1. Mesurer la teneur en sucre avec un réfractomètre

Avant de commencer, on présente aux élèves six bananes à différents degrés de maturation. Voir les bananes 1 à 6 dans la la Table 1, qui correspondent à différents degrés de mûrissement. Demandez laquelle est la plus sucrée. L’élève moyen optera pour la noire. Mais comment le tester ? On peut bien sûr faire goûter ces bananes. Mais comment faire des mesures ? Pour y parvenir, les élèves vont devoir mesurer la teneur en sucre des diverses bananes en utilisant un réfractomètre. Cette activité va durer environ 20 minutes.

Matériel

  • 18 bananes à différents degrés de mûrissement, à raison de trois bananes pour chacun des six degrés présentés
  • Un réfractomètre à multiéchelle
  • Une fourchette
  • Un bol
  • Un tissu humide et doux

Mode opératoire

  1. Peler la banane la moins mûre (Banane 1 de la Table 1). En couper un morceau de 3 cm de long.
  2. Ecraser ce morceau dans un bol avec la fourchette, pour obtenir une bouillie presque fluide.
  3. Etendre un peu de cette bouillie sur le prisme du réfractomètre. Refermer la plaque transparente pour que la bouillie se répande sur la surface du prisme, sans laisser ni bulles ni zones séches.
  4. Orienter le réfractomètre dans la direction d’une source de lumière, et regarder dans l’oculaire. On y voit un cadran gradué indiquant le % Brix, c’est-à-dire la masse de sucrose dissous dans 100 g échantillon. Ex. 1 % Brix vaut 1 g sucrose dans 100 g bouillie.
  5. Relever le % Brix, donc la teneur en sucre.
  6. Eliminer la bouillie à l’aide du tissu humide, et nettoyer l’appareil.
  7. Répéter les étapes 1 – 6 pour les autres bananes du même degré de maturité. Calculer la moyenne des contenus en sucre. Voir la Table 1 et la figure 1.
  8. Répéter l’activité pour les bananes de 1 à 6.
Table 1: Moyennes du contenu en sucre et images montrant l’effet de la solution de Lugol sur des bananes à différents degrés de maturation.
Jill Skarvan
Banana ripeness: aspect des bananes trop mûres; Sugar concentration (%): concentration en sucre, en %s; Iodine staining: réaction avec l’iode.
 
Figure 1: Teneur moyenne en sucre dans les bananes à différents degrés de maturation (1 – 6)
Jill Skarvan
Sugar content (% Brix): teneur en sucre en % Brix; Degree of ripeness: Degré de mûrissement.
 

Activité numéro 2 : Analyse de la teneur en amidon

Ici les élèves utilisent une solution d’iode dite Lugol pour détecter l’amidon dans les bananes, et montrer sa disparition progressive  pendant le mûrissement. Cette activité prend environ dix minutes.

Matériel

  • 18 bananes à différents degrés de mûrissement, à raison de trois bananes pour chacun des six degrés présentés.
  • Une solution d’iode selon Lugol (KI3) : iodure de potassium KI à 2% avec 1% d’iode I2 dans de l’eau.
  • Un couteau de cuisine.
  • Un petit pinceau.

Mode opératoire

  • Couper chaque banane en deux dans le sens de la longueur.
  • Avec un petit pinceau, recouvrir la surface de la banane avec la solution de Lugol.
  • Attendre une minute, et comparer les différents résultats (voir la table 1)​.

Discussion

Pendant le processus de maturation, l’enzyme dite amylase catalyse la fragmentation de l’amidon (une polysaccharide) en sucres simples, tout d’abord en maltose (un disaccharide) puis en glucose (un monosaccharide). La table 1 montre que la banane no. 3 est celle qui possède le plus de sucre (mono- et disaccharides). Par la suite, la teneur en glucose décroît, parce que la banane utilise une partie des sucres issus de l’amidon pour assurer sa propre respiration cellulaire.

Cette fragmentation de l’amidon peut aussi être démontré par le test du Lugol. Les bananes non mûres ont plus d’amidon que les bananes mùres, car elles prennent une teinte plus foncée avec le Lugol. Plus la banane mûrit, plus le noircissement diminue, et moins il y a d’amidon résiduel.

Le test qui consiste à goûter la banane n’est pas toujours concluant. En effet, la langue est aussi sensible au caractère mielleux de la banane et à sa teneur en eau. De plus, comme l’amylase est aussi présente dans notre salive, les aliments riches en amidon et pauvres en sucre paraissent sucrés après quelque temps en bouche, car l’amylase fragmente une partie de l’amidon en formant des sucres.

On peut discuter des questions suivantes avec les élèves :

  • Quelle est la banane la plus douce ?
  • Pourquoi la teneur en sucre augmente au début du processus de mûrissement et décroît ensuite ?
  • Comment la teneur en amidon varie-t-elle au cours du processus de mûrissement?
  • Est-ce qu’il y a plus ou moins d’amidon au début du processus de mûrissement, par rapport à la situation à la fin ?
  • Est-ce que le sentiment de douceur est lié à la teneur en sucre ? Ou existe-t-il d’autres facteurs ?

Activité numéro 3. Localiser les réservoirs d’amidon

Dans cette activité, les élèves observent au microscope la pulpe de banane à différents degrés de maturation. Ils peuvent ainsi reconnaître les organelles celllulaires (amyloplastes)  qui stockent l’amidon, et comprendre pourquoi ces organelles disparaissent pendant la maturation. Cette activité dure 15 minutes environ.

Matériel

Figure 2: Deux échantillons
de pulpe de banane prêtes à
l’observation au microscope

Samuel Ginsburg
 
  • Pulpe de banane de l’activité 1 (bananes 1 et 6 de la table 1)
  • Solution d’iode ou Lugol
  • Un microscope
  • Des lames de verre porte-objets
  • Des lamelles couvre-objets

Mode opératoire

  1. Etendre une petite quantité de pulpe de banane sur une lame de microscope, et ajouter une goutte de solution d’iode de Lugol (figure 2).
  2. Recouvrir l’échantillon avec une lamelle de couvre-objet. Essayer de localiser les organelles sous le microscope avec grossissement 100x ou 400x.
  3. Répéter les étapes 1 et 2 avec l’autre échantillon de pulpe de banane.

Discussion

Les amyloplastes synthétisent et stockent l’amidon par polymérisation du glucose. Dans les bananes mal mûres, l’iode colore l’amidon et les amyloplastes en bleu foncé (Figure 3). Dans les bananes bien mûres, l’iode ne réagit pas, car l’amidon a été consommé et les amyloplastes ne sont plus présents dans ces échantillons (figure 4).

Discutez quelques-unes des questions suivantes avec vos élèves :

  • Pourquoi ajoute-t-on de l’iode aux échantillons de banane ?
  • Comment s’appelle l’organelle qui stocke l’amidon dans les plantes ?
  • Quelles differences présentent les organelles d’un échantillon de banane à l’autre ?
     
Figure 3: Vue au microscope des amyloplastes de bananes non mûres et tachées à l’iode.
Samuel Ginsburg

 

Figure 4: Les amyloplastes ont disparu des cellules de bananes mûres, car l’amidon a été converti en monosaccharides et disaccharides.
Samuel Ginsburg

 

Activité numéro 4 : Noircir les bananes 

Figure 5: Si on trempe une
demi-banane dans de l’eau
bouillante, la peau brunit, par
formation de mélamine

Sacha Glardon
 

Les élèves vont voir que les bananes plongées dans de l’eau chaude brunissent vite, par suite d’une production de mélamine. Cette activité dure 5 minutes environ.

Matériel

  • Bananes jaunes (banane 2 de la table 1)
  • Un bécher de 1 L plein d’eau bouillante

Mode opératoire

  1. Tremper la moitié de la banane dans de l’eau bouillante.
  2. Observer que, au bout d’une minute, la partie immergée de la banane a bruni.

Discussion

Quand une banane est plongée dans de l’eau chaude, ses cellules sont endommagées, il se forme le pigment sombre dit mélanine, et la banane brunit. La mélanine se forme par oxydation de la tyrosine, catalysée par une enzyme contenant du cuivre, la tyrosinase. Cette tyrosinase est libérée quand la cellule est endommagée. La production de mélanine n’affecte pas le processus de mûrissement. Mais plus les bananes mûrissent, plus leurs cellules sont endommagées, et plus elles brunissent. D’autre part, la mélanine protège les cellules externes des plantes et des animaux contre les rayons ultra-violets, et empêche aussi la formation de radicaux libres grâce à ses propriétés antioxydantes. 

Discutez les questions suivantes avec vos élèves :

  • Pourquoi la banane brunit-elle?
  • Qu’est-ce qui cause cette coloration ?
  • Est-ce que l’immersion dans de l’eau chaude accélère le mûrissement ?
  • Quelle difference y a-t-il entre une banane plongée dans de l’eau chaude et une banane naturellement brunie ?

Activité numéro 5 : Fabrication d’essence de banane artificielle.

Cette activité convient à des élèves de 16 à 19 ans. Elle consiste à fabriquer de l’acétate d’isoamyle (ou éthanoate de 3-méthylbutyle) qui a une odeur de poire et de banane, à partir de 2-méthyl-1-butanol. Mais si les élèves partent du 1-pentanol, ils fabriquent de l’acétate d’amyle (acetate de pentyle), dont l’odeur rappelle la banane et la pomme. Cette activité dure environ 15 minutes. Elle peut être divisée de manière que la moitié de la classe fabrique l’acétate d’isoamyle, pendant que l’autre fabrique l’acétate d’amyle.

Matériel

  • De l’acide acétique CH3COOH
  • 2-méthyl-1-butanol C5H12O ou 1-pentanol C5H12O
  • De l’acide sulfurique H2SO4
  • Des pierres à distiller
  • Un bec Bunsen
  • Un tube à essais
  • Un bécher de 500 mL
     

Notice de sécurité

Cette expérience se fait avec de l’acide sulfurique. Les élèves devraient porter des gants et des lunettes de protection, et suivre les prescriptions de sécurité en usage dans les classes de chimie, De plus, ils ne doivent rien porter à la bouche.

Mode opératoire

  1. Pipetter 2 mL d’acide acétique dans un tube à essais.
  2. Ajouter 2 mL de méthyl-1-butanol ou de 1-pentanol.
  3. Bien mélanger, et ajouter une goutte d’acide sulfurique, et deux pierres à distiller.
  4. Chauffer le mélange pendant deux minutes avec un bec Bunsen, sans faire bouillir. Les pierres permettent d’éviter la surchauffe. Ne pas diriger l’ouverture du tube en direction d’une personne.
  5. Vider le contenu du tube à essais dans un bécher de 500 mL. Sentir l’odeur qui se degage.

Discussion

condensationm du 1-pentanol avec le même acide. Ces deux réactions sont catalysées par l’acide sulfurique (Figure 6). L’arôme naturel de banane est un mélange de plusieurs composantsw2, qu’il est difficile de copier artificiellement, si on veut reproduire l’odeur exacte de la banane.

On peut discuter des questions suivantes avec les élèves :

  • A quoi ressemble l’odeur des produits de la réaction ?
  • Quelle molécule est responsible de l’arôme de banane ?
  • Quelle différence y a-t-il entre un arôme naturel et un arôme artificial ? Et pourquoi leurs odeurs sont-elles différentes ?
Figure 6.  Réactions d’estérification produisant l’acétate d’isoamyle (en haut) et l’acétate d’amyle (en bas)
Sacha Glardon
Acetic acid: Acide acétique; 2-methyl-1-butanol: 2-méthyl-1-butanol; Isoamyl acetate: Acétate d’isoamyle; 1-pentanol: 1-pentanol; Amyl acetate: Acétate d’amyle.

Activités de perfectionnement ultérieur, sur le thème des bananes

Il existe beaucoup d’expériences supplémentaires qu’on peut faire pour explorer la biochimie des bananes, ou pour des activités interdisciplinaires. Par exemple :

  • Isoler l’ADN des bananes pour montrer que tous les êtres vivants, bananes incluses contiennent de l’ADN, et que cet ADN stocke l’information génétique à transmettre aux nouvelles générations.
  • Placer une banane dans un récipient étanche pour montrer que la teneur de l’air en O2 et CO2 change avec le temps.
  • Mesurer le taux de sucre sanguin toutes les 15 minutes après avoir mangé une banane, si c’est autorisé dans votre pays, afin de mieux comprendre l’hydrolyse de l’amidon et le stockage du glycogène dans le foie.
  • Etudier l’importance de la biodiversité dans le déclenchement des maladies.
  • Etudier le commerce des bananes au point de vue historique, économique et éthique.

Web References

Resources

Institutions

Science on Stage

Author(s)

Dr Sacha Glardon enseigne la chimie et la biologie au Gymnase Bäumlihof, et Thomas Scheuber la biologie du Gymnase Kirschgarten, tous deux situés à Bâle, Suisse. Ils ont représenté la Suisse au festival Science on Stage 2017 à Debrecen, Hongrie, avec leur expérience sur les bananes.

Review

Cet article décrit quelques expériences simples mais significatives qui utilisent toutes un fruit commun, la banane, pour expliquer certains processus métaboliques fondamentaux. Par exemple, le processus de mûrissement, et les changements de couleur et de goût qu’ils entraînent, servent à illustrer la conversion d’amidon en maltose et en glucose. Les élèves devraient comprendre la différence entre sucres simples et complexes. Le maître peut partir des questions suggérées pour améliorer le rendement de ces activités.

Monica Menesini, maîtresse de sciences au niveau secondaire, Italie, à la retraite.

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