Cellules souches cancéreuses : l’espoir de demain ? Understand article
Traduit par Julien Bléas. Le cancer tout comme les cellules souches représentent des questions d’actualité. Mais avez-vous déjà entendu parler des cellules souches cancéreuses ? D’après Massimiliano Mazza, ce concept pourrait révolutionner le traitement du cancer.
Le cancer : une maladie en constante évolution
Si tu examines un homme atteint de tumeurs à la poitrine et que tu trouves que les grosseurs se sont propagées à toute la zone (…) tu diras à son sujet : « Un homme ayant des tumeurs, un mal que je combattrai. »
Attribuée à Imhotep, vizir, architecte, médecin et astronome du pharaon Djéser (Djoser), cette référence, retrouvée sur un papyrus égyptienw1 datant de 2500 avant J.-C., est la première connue aux tumeurs.
Une tumeur (du Latin tumor, gonflement) désigne une augmentation de volume d’un tissu causée par la prolifération anormale de cellules. Elle n’est pas toujours indicative d’un cancer. Les tumeurs qui sont confinées à une région spécifique du corps sont de type bénin : elles peuvent entraîner des complications de santé mais il est rare qu’elles menacent la vie du malade.
Au contraire, une tumeur qui se développe à l’intérieur du corps, envahissant les tissus alentours et produisant souvent des métastases (qui se propagent aux tissus et aux organes voisins) est de type malin : c’est un cancer. Et bien que les humains aient découvert la notion de cancer il y a plus de 4000 ans, c’est seulement depuis 200 ans que sa compréhension s’est sensiblement développée.
En effet, au 19ème siècle, le physiologiste allemand Johannes Müller et son élève Rudolf Virchow ont contribué fortement à l’avancée de l’étude du cancer. Grâce aux avancées nouvelles en microscopie, ils comprirent que le cancer résulte d’une anomalie du comportement des cellules plutôt que d’une mutation de novo. Virchow fut le premier à réaliser que cette maladie apparaît en raison d’une prédisposition génétique et d’une irritation chronique, telle que celle provoquée par le tabac ou le rayonnement ultraviolet. Aujourd’hui, nous savons que le cancer commence avec une cellule unique qui perd le contrôle de sa propre croissance tout en accumulant des mutations génétiques (soit spontanément ou à la suite de facteurs environnementaux) parfois sur plusieurs années.
L’hétérogénéité du cancer et cellules souches cancéreuses
La dissection microscopique de tumeurs au 19ème siècle révéla également que la morphologie d’une seule tumeur peut être remarquablement hétérogène. Étant donné qu’une tumeur trouve toujours son origine dans une cellule unique, comment ses cellules-filles peuvent-elles présenter tant de variations ? Il y a deux raisons à cela : premièrement, lors de la division, les cellules cancéreuses accumulent davantage de mutations qui les rendent génétiquement différentes les unes des autres. Deuxièmement, le microenvironnement change à travers la tumeur et ces variations influencent le comportement de chaque cellule cancéreuse.
Tout d’abord, penchons-nous sur la génétique. Par exemple, dans certains types de cancer de la peau, une cellule épithéliale accumule des mutations, souvent durant de nombreuses années, et devient cancéreuse : puis, cette dernière prolifère pour finalement former un groupe de cellules cancéreuses épithéliales. Tout comme une population d’animaux, cette population de cellules évolue tout en continuant d’accumuler d’autres mutations. Certaines de ces mutations donnent un avantage concurrentiel à la cellule dégénérée par rapport aux autres cellules saines et auront pour résultat le clone de cellules similaires alors que d’autres mutations seront désavantageuses et pourraient même tuer la cellule. Dès lors, lorsqu’une tumeur est détectée, les différents clones de cellules qui constituent la grosseur peuvent être devenus des parents lointains.
Expliquons maintenant la seconde influence : le microenvironnement d’une cellule cancéreuse (les cellules, les structures et les molécules qui l’entourent). Alors que les cellules cancéreuses épithéliales prolifèrent, la tumeur grossit en incorporant des cellules du tissu environnant jusqu’à ce qu’elle contienne non seulement des cellules cancéreuses, mais aussi des cellules non cancéreuses de nombreux types différents. On peut retrouver des cellules de support du tissu conjonctif, des vaisseaux sanguins qui fournissent des substances nutritives à la tumeur et des cellules immunitaires qui infiltrent la tumeur par le système sanguin et qui lui apportent des molécules de signalisation cellulaires et des facteurs solubles. De plus, il y a des cellules épithéliales normales qui ne sont pas cancéreuses ainsi que la matrice extracellulaire (un maillage de fibres de collagènes qui lie les cellules entre elles) et les fibroblastes qui la synthétisent. Une tumeur est par conséquent un tissu complexe.
Est-ce la raison pour laquelle les cellules cancéreuses varient autant à l’intérieur d’une seule tumeur ? Est-ce que cette variation est uniquement due aux mutations que les cellules cancéreuses à division rapide héritent et accumulent ainsi qu’à l’influence du microenvironnement de la tumeur ? D’après le modèle stochastique de la formation des cancers, oui. Ce modèle soutient que toutes les cellules cancéreuses à l’intérieur d’une tumeur ont le même potentiel intrinsèque pour initier une nouvelle tumeur si on les transplante dans un hôte convenable (Figure 1).
Cependant, des expériences menées au milieu du 20ème siècle ont montré que bien qu’une cellule unique puisse initier la formation d’une tumeur, il faut que ce soit la bonne. Ce résultat donne à penser qu’il y a différents types de cellules cancéreuses au sein d’une même tumeur, chacune ayant un rôle différent. D’ailleurs, dans les années 1960, des chercheurs ont identifié deux groupes distincts de cellules cancéreuses parmi les cellules tumorales de patients atteints de leucémie : un sous-ensemble plus grand qui se divisait toutes les 24 heures, et un plus petit à cycle lent qui ne proliférait pas pendant des semaines ou des mois.
Pour justifier ces résultats, un deuxième modèle, le modèle hiérarchique ou « cellules souches cancéreuses », a été proposé dans lequel les cellules cancéreuses sont hiérarchiquement organisées tout comme les cellules des tissus normaux. Ce modèle prévoit au moins deux sortes de sous-population : d’une part, une petite population de cellules souches cancéreuses (CSC) qui ont un rythme de division faible et qui alimentent la croissance tumorale. D’autre part, le reste des cellules cancéreuses qui prolifèrent à un rythme plus élevé, mais qui ne peuvent pas former une nouvelle tumeur (Figure 1). Le nom de « cellules souches cancéreuses » a donc été choisi car, comme les cellules souches somatiques, les cellules souches cancéreuses ont la capacité de soit se diviser de façon symétrique, donnant naissance à des cellules-filles souches, capables d’auto-renouvellement, ou de façon asymétrique, produisant une cellule souche et un progéniteur plus différencié.
Pour le moment, les scientifiques n’ont toujours pas tranché sur la question pour savoir lequel des deux modèles (stochastique ou hiérarchique) répond le mieux aux résultats expérimentaux, mais de plus en plus de recherches sur les différends types de cancer prouvent qu’un très petit nombre de cellules est responsable de la formation et du maintien de la tumeur. Si cela était avéré, le modèle CSC prédominerait.
Cellules souches cancéreuses dans le traitement du cancer
Actuellement, malgré des traitements par chimiothérapie et radiothérapie, de nombreux cancers réapparaissent et développent des métastases dans d’autres organes : la plupart des patients atteints de cancer meurt d’ailleurs de cette façon. Mais pourquoi ? Peut-être à cause des CSC. En effet, avec un cycle cellulaire plus lent, elles peuvent résister au traitement, ce qui permet à la tumeur de recommencer à grossir plus tard.
Les chimiothérapies et les radiothérapies traditionnelles ciblent spécifiquement les cellules à division rapide car les cellules cancéreuses prolifèrent beaucoup plus rapidement que les cellules saines. Les traitements n’attaquent pas les cellules à division lente telles que les cellules souches saines et la plupart des autres cellules de notre organisme. Après que les patients atteints de leucémie myéloïde aiguë ont été traités avec ces traitements, leurs cellules souches hématopoïétiques (qui participent à la formation du sang) commencent à proliférer pour reconstituer le réservoir de cellules souches. Cependant, des scientifiques ont découvert que les CSC qui ont résisté recommencent à proliférer, régénérant le volume de la tumeur avec des cellules encore plus virulentes et résistantes au traitement.
La solution évidente serait donc de développer des thérapies qui ciblent spécifiquement les CSC. Cependant, ce n’est pas une tâche facile car les scientifiques éprouvent toujours des difficultés à trouver des méthodes fiables pour détecter précisément les CSC dans une tumeur. Néanmoins, on pense que pour les types de cancer où le modèle des CSC prévaut (tels que les cancer du cerveau, du sein, du côlon, des ovaires, du pancréas ou de la prostate), il faut combiner les stratégies thérapeutiques ciblant les cellules à division rapide avec des stratégies forçant les CSC à division lente à proliférer plus rapidement afin qu’elles puissent être détruites, elles aussi.
Au cours des prochaines années, les scientifiques espèrent découvrir si la théorie des CSC constitue une véritable avancée dans le traitement du cancer ou si un modèle de cancer plus précis demeure toujours nécessaire.
Web References
- w1 – Pour les traductions en anglais et en allemand du papyrus Edwin Smith, voir : www.touregypt.net/edwinsmithsurgical.htm et www.medizinische-papyri.de/PapyrusSmith
Resources
- Le Centre médical de l’Université de Rochester (The University of Rochester Medical Center) a établi un plan de cours pour une activité d’enseignement secondaire supérieur sur les cellules souches cancéreuses. Veuillez consulter le site de l’université (www.rochester.edu) ou cliquez directement sur ce lien: http://tinyurl.com/633jfds
- Les scientifiques d’Harvard ont récemment découvert que les CSC peuvent être produites à partir d’autres cellules (non souches) cancéreuses ; par conséquent, l’éradication des CSC n’éradiquerait pas le cancer. Veuillez consulter l’article ‘Cancer stem cells made, not born’ sur le site de l’université (www.harvard.edu) ou cliquez directement sur ce lien: http://tinyurl.com/6h9fyng
- Nature a compilé une section de ressources sur les CSC, comprenant un podcast, des liens et des articles de recherche publiés. Veuillez consulter : www.nature.com/nature/focus/cancerstemcells
- Pour une activité d’enseignement d’identification des mutations de cancer, veuillez consulter :
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Communication and Public Engagement team (2010) Pouvez-vous détecter une mutation cancérogène? Science in School 16. www.scienceinschool.org/2010/issue16/cancer/french
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- Joan Massagué est un pionnier dans la recherche en oncologie. Pour accéder à une entrevue avec lui, veuillez consulter :
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Sherwood S (2008) Une nouvelle piste de traitement du cancer. Science in School 8. www.scienceinschool.org/2008/issue8/joanmassague/french
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Review
Cet article présente au lecteur la théorie nouvelle qui suggère l’existence de cellules souches cancéreuses tout comme celle d’autres cellules souches. Cet article offre une base de qualité pour un débat plus général sur le cancer, la recherche et le traitement oncologique, le diagnostic et les taux de survie. Pourquoi arrive-t-on à mieux traiter certains cancers ? En outre, les différences entre les greffes de moelle osseuse, la chimiothérapie, l’immunothérapie, la radiothérapie et la vaccination peuvent entraîner des recherches et discussions complémentaires. Pourquoi n’existe-t-il pas de vaccin contre le cancer ? Comment le vaccin contre le virus du papillome humain arrive-t-il à empêcher certains cancers du col de l’utérus (rappelons que ce n’est pas un vaccin contre le cancer lui-même) ? Plusieurs cancers provoquent des réarrangements chromosomiques (domaine de la cytogénétique). La majorité des étudiants ont déjà connu au moins une personne atteinte d’un cancer et ils seront en mesure de débattre du sujet.
Shelley Goodman, RU