Satellite CoRoT : à la recherche de planètes semblables à la Terre Understand article

Traduit par Nicolas Simon. Malcolm Fridlund de l’Agence Spatiale Européenne (ASE), décrit la recherche de planètes extrasolaires et explique comment celles-ci peuvent nous aider à comprendre l’origine de la vie sur Terre.

CoRoT

Le 27 décembre 2006, l’agence spatiale française CNES (Centre National d’Études Spatiales), l’ESAw1 et leurs partenairesw2 ont lancé le satellite CoRoT. Son but : partir à la recherche de petites planètes semblables à la Terre en dehors du Système solaire (appelées planètes extrasolaires ou exoplanètes) et détecter des « tremblements d’étoiles ». Le nom du satellite est dérivé de Convection (Co), Rotation (Ro) et Transits planétaires (T). Ses objectifs scientifiques sont multiples : étudier la rotation des étoiles, étudier la convection (la remontée de gaz chauds) depuis l’intérieur des étoiles, et détecter les planètes qui passent entre la Terre et la surface stellaire (un transit planétaire).

Ces trois phénomènes peuvent être étudiés en mesurant les variations des émissions de lumière chez les étoiles observées. La convection à l’intérieur d’une étoile provoque une baisse ou une augmentation de l’intensité de la lumière émise, de l’ordre de quelques parties par million. Les zones d’activité magnétique intense inhibent le processus de convection, ce qui entraîne la formation de zones à température de surface réduite, rendues visibles par les taches plus sombres sur les étoiles. Alors que l’étoile tourne sur elle-même, la quantité de lumière qu’elle émet varie en très petite quantité, en fonction du nombre de taches sombres présentes sur l’hémisphère orienté vers nous ; en observant les taches de l’étoile, on peut ainsi déterminer sa vitesse de rotation. Enfin, lorsqu’une planète en orbite autour d’une étoile passe entre le satellite CoRoT et l’étoile, la légère baisse de lumière émise par l’étoile à intervalles réguliers nous permet de la détecter.

Figure 1 : Ce graphique montre le transit de la première exoplanète découverte par CoRot : CoRoT-Exo-1b. Le transit entraîne une baisse de luminosité de l’étoile parent, semblable au Soleil, lorsque la planète passe devant celle-ci tous les 1.51 jours. Il s’agit d’une planète géante semblable à Jupiter par sa très forte chaleur, sa masse (mesurée par des observations spectroscopiques depuis le sol) et son rayon, 1.49 +/- 0.08 fois plus important. Cliquer pour agrandir l’image
Image reproduite avec l’aimable autorisation de ESA

Les transits planétaires sont utilisés pour détecter les exoplanètes tandis que les mesures de convection et de rotation sont utilisées pour caractériser l’étoile autour de laquelle les planètes découvertes orbitent. CoRoT sera aussi utilisé pour l’astérosismologie : la détection d’ondes acoustiques générées dans les profondeurs d’une étoile qui envoient des petites ondulations à sa surface, appelées « séismes stellaires ». La nature exacte des ondulations permet aux astronomes de calculer avec précision la masse, l’âge et la composition chimique de l’étoile. Cependant, cet article sera uniquement consacré à la recherche d’exoplanètes.

La mesure de ces phénomènes requiert un télescope spatial disposant d’un photomètre très précis (utilisé pour mesurer la lumière). Contrairement au télescope spatial Hubble lancé en 1990, CoRoT a été spécialement conçu à cet effet. Avec un diamètre de seulement 30 cm, il est plus petit qu’Hubble. Le seul instrument à son bord est une caméra qui prend une photo toutes les 32 secondes. L’ordinateur de bord mesure ensuite les variations de lumière de chaque étoile et produit, au fil du temps, une courbe de lumière. Le télescope est orienté vers le même endroit dans le ciel pendant une période pouvant aller jusqu’à 150 jours, ce qui lui permet d’observer jusqu’à 12 000 étoiles simultanément. Plus il demeure pointé vers les mêmes étoiles, plus il peut voir de transits.

CoRoT peut détecter les planètes qui sont proches de leur étoile et qui ont besoin de 50-75 jours pour en faire le tour (soit la durée de leur « année »). Il est aussi capable de trouver des planètes aussi petites que la Terre.

CoRoT pointe vers la même direction pendant plus de 150 jours d’affilée, mais il s’arrête avant que les rayons du soleil ne puissent pénétrer dans le télescope : cet effet indésirable est causé par le déplacement de la Terre autour du Soleil. Ensuite, CoRoT pivote de 180° autour de son axe longitudinal et se met à pointer dans la direction opposée.Cliquer sur l’image pour l’agrandir
Image reproduite avec l’aimable autorisation de ESA

La forme de la courbe de lumière (voir schéma ci-dessus) décrit les déplacements de la planète, le comportement des couches externes de l’étoile, ainsi que la taille de la planète. Lorsqu’une planète a été détectée par CoRoT, les astronomes peuvent observer l’étoile et son système planétaire avec d’autres types d’instruments présents sur de très grands télescopes au sol et en apprendre ainsi plus à leur sujet.

Le satellite CoRoT a déjà trouvé plusieurs planètes de grande taille. Il a également commencé à détecter ce qui semblent être des petites planètes. Ces découvertes devraient nous permettre de savoir si notre type de planète est commun dans l’Univers.

Vie Extraterrestre

Artist’s impression of the CoRoT
satellite in its orbit at 900 km
altitude over Earth’s poles

Image courtesy of ESA / CNES

Pourquoi est-il important de savoir si les planètes semblables à la Terre (petites et rocheuses) sont fréquentes ? Premièrement, parce que nous voulons savoir si notre planète est unique. Ensuite, parce que la découverte de planètes semblables à la Terre en dehors de notre Système solaire pourrait nous aider à comprendre comment la vie est apparue sur Terre il y a environ 3,5 milliards d’années.

En se basant sur une hypothèse avancée il y a plus de 30 ans, les scientifiques supposent que tous les types de « vie » fonctionnent de la même manière que sur Terre et que toutes les formes de vie extraterrestre auraient un métabolisme similaire au nôtre. C’est pourquoi les chercheurs fondent leur recherche sur ce qui s’est passé sur Terre. Bien qu’on ne sache pas encore comment la vie est apparue sur Terre, la présence d’eau liquide sur une surface solide et rocheuse semble avoir été une condition nécessaire. S’il existe d’autres planètes semblables à la Terre, est-il possible que certaines d’entre elles abritent aussi de la vie ?

Détecter une planète extrasolaire aussi petite que la Terre n’est pas une tâche facile. Est-il donc envisageable de pouvoir observer des formes de vie depuis de telles distances ? Ce serait particulièrement difficile s’il ne s’agissait que de bactéries, qui étaient les seuls organismes vivants sur Terre pendant les premiers milliards d’années. Encore aujourd’hui, les bactéries sont un million de fois plus nombreuses que les autres espèces en terme d’individus et peut-être même en terme de nombre d’espèces.

La clé ? Trouver une planète dont l’atmosphère n’est pas dans un état d’équilibre chimique. L’atmosphère d’une planète (comme presque tout le reste) a tendance à atteindre un état d’équilibre, dans lequel chaque réaction chimique va à la même vitesse que son processus inverse. Toutefois, la vie modifie son environnement : tout l’oxygène libre (O2) de notre atmosphère, par exemple, a été produit par des organismes vivants.

Les plantes et d’autres organismes absorbent le dioxyde de carbone et le transforment en oxygène, qui est ensuite relâché. L’oxygène est si réactif que si la vie disparaissait entièrement de la Terre, l’oxygène libre de notre atmosphère disparaîtrait en moins de 4 millions d’années (une période courte, compte tenu des milliards d’années d’histoire de la Terre).

Vue d’artiste de la planète
extrasolaire HD 189733b, de
la taille de Jupiter, que l’on
sait maintenant détenir du
méthane et de l’eau dans son
atmosphère (à partir d’études
des télescopes spatiaux
Hubble et Spitzer). Le
méthane est la première
molécule organique a avoir
été trouvée sur une planète
extrasolaire. Les découvertes
proviennent d’études
spectroscopiques de la
lumière émise par l’étoile
parent qui a traversé
l’atmosphère de la planète.

Image reproduite avec
l’aimable autorisation de ESA

Un déséquilibre chimique semblable a eu lieu quand la vie est apparue sur Terre et que les bactéries se sont mises à produire du méthane en surabondance. Qu’est-il arrivé aux bactéries productrices de méthane et à leur monde ? Nous ne le savons pas, mais il semblerait que de nouveaux organismes, quant à eux producteurs d’oxygène, aient évolués : l’oxygène était un poison pour les producteurs de méthane, et la plupart d’entre eux se sont éteints.

La composition du gaz, ainsi que d’autres conditions telles que la température ou la pression, indiquent ce que cet équilibre doit être (dans le cas de la Terre, il doit être semblable à l’atmosphère de Mars). Ainsi, en analysant l’équilibre chimique de l’atmosphère d’une exoplanète, on pourrait déterminer la présence de vie telle que nous la connaissons et peut-être même le stade qu’a atteint l’évolution (selon la présence de producteurs de méthane ou d’oxygène).

Les atmosphères de deux exoplanètes, très grandes et chaudes, ont été étudiées grâce aux mesures photométriques des télescopes spatiaux Hubble et Spitzer, ainsi que des télescopes terrestres : ils ont détecté de l’eau et du méthane dans l’une d’entre elles (voir image de droite). Il s’agit là d’un autre pas vers une vraie planétologie comparative : la comparaison des planètes de notre Système solaire avec celles des autres systèmes. Avec l’aide de télescopes comme CoRoT, conçus spécialement pour détecter des petites planètes rocheuses semblables à la Terre, on peut s’attendre, dans les années à venir, à la découverte d’autres étoiles encerclées par des planètes très semblables à la nôtre.

Cependant, la technologie actuelle n’est pas suffisante pour analyser les atmosphères de ces planètes plus petites. La lumière que nous recevons depuis une exoplanète est extrêmement faible et requiert des télescopes de grande ouverture : de tous les photons rayonnés par une exoplanète, seulement quelques-uns par mètre carré parviennent à la Terre. De plus, notre atmosphère contient tellement d’oxygène et de méthane qu’il existe déjà de nombreux « photons d’oxygène » et « photons de méthane » (respectivement des photons avec des signatures d’oxygène ou de méthane). Les quelques « photons d’oxygène » et « photons de méthane » d’une exoplanète seraient en concurrence avec tous ceux de notre planète, rendant leur détection impossible. Il nous faut donc aller dans l’espace – avec de grands télescopes – ce qui est à la fois très difficile et très coûteux. Les scientifiques sont en train de mettre au point la prochaine génération d’instruments : ils nous permettront d’être techniquement en mesure d’effectuer les observations nécessaires pour nous dire si ces planètes ont produit de la vie et, si oui, ce qui lui est arrivé.

À terme, nous espérons appliquer ces connaissances à la compréhension de l’évolution de la vie sur notre propre planète.

À l’heure où nous mettons sous presse

Vue d’artiste de Corot-7b.
Image reproduite avec
l’aimable autorisation de ESO /
L. Calcada

CoRoT a observé une planète en transit devant l’étoile CoRoT-7 pour la première fois au printemps 2008. L’étoile était située à l’Ouest d’Orion dans la constellation de la Licorne, à une distance d’environ 500 années-lumière. Cependant, il a fallu des mois et l’aide de grands télescopes au sol pour confirmer la nature de la planète ; sa découverte ne fut donc pas annoncée officiellement avant le 3 février 2009.

Afin de mesurer la masse et la densité de la planète, les astronomes ont employé le High Accuracy Radial velocity Planet Searcher (HARPS), un spectrographe installé sur le télescope de 3,6 mètres de long de l’observatoire de La Silla au Chili

La planète, appelée CoRoT-7b, a une masse proche de celle de la Terre, ce qui en fait l’une des exoplanètes connues les plus légères. Avec un diamètre deux fois inférieur à celui de la Terre, elle est aussi l’exoplanète la plus petite mesurée à ce jour.

Toutes les 20,4 heures, CoRoT-7b éclipse une petite fraction (une partie sur 3000) de la lumière émise par son étoile pendant un peu plus d’une heure. Elle tourne autour de son étoile à une vitesse qui dépasse les 750 000 km/h, sept fois plus élevée que la vitesse de déplacement de la Terre autour du Soleil, ce qui fait d’elle l’exoplanète connue à l’orbite la plus rapide.

Mais ce n’est pas tout : elle n’est qu’à 2,5 kilomètres de son étoile hôte, distance 23 fois plus petite que la distance entre Mercure et le Soleil, faisant aussi d’elle la planète connue la plus proche de son étoile hôte. La planète est si proche que les conditions extrêmes qu’elle subit rend impossible l’existence de vie telle que nous la connaissons : sa température dépasse probablement les 2000 degrés sur sa face jour et descend jusqu’à moins 200 degrés sur sa face nuit.
Sa densité calculée est proche de celle de la Terre, ce qui suggère qu’il s’agit également d’une planète rocheuse. Les modèles théoriques suggèrent que la surface de la planète pourrait contenir de la lave ou des océans bouillants.

Grâce à leurs données, les astronomes ont constaté l’existence d’une autre exoplanète en transit autour de CoRoT-7, un peu plus éloignée de l’étoile que CoRoT-7b. Nommée CoRoT-7c, elle tourne autour de son étoile en 3 jours et 17 heures et a une masse environ 8 fois supérieure à celle de la Terre. Contrairement à CoRoT-7b, la « planète sœur » ne passe pas entre son étoile et la Terre ; les astronomes ne peuvent donc pas mesurer son rayon ni, par conséquent, sa densité.

Grâce à cette découverte, les astronomes sont plus près que jamais de la découverte de planètes extrasolaires habitables. Mais il faudrait que ces dernières soient plus éloignées de leur étoile pour pouvoir abriter de la vie telle que nous la connaissons.


Web References

  • w1 – Pour plus d’informations sur l’Agence Spatiale Européenne, consultez: www.esa.int
  • w2 – Pour en apprendre plus sur le satellite CoRoT et les partenaires de la mission, consultez: www.esa.int/science/corot
  • w3 – Pour plus d’informations sur l’ESTEC, consultez le site web de l’ASE ou utilisez le lien direct: http://tinyurl.com/39nw3r
  • w4 – Pour en apprendre plus sur l’Observatoire européen austral, consultez: www.eso.org

Resources

Institutions

Author(s)

Malcolm Fridlund est un astronome suédois qui a travaillé au Centre européen de technologie spatialew3 (ESTEC) pendant plus de 20 ans. Il s’est spécialisé scientifiquement dans les exoplanètes et les méthodes utilisées pour les trouver et les étudier. Il est actuellement le responsable scientifique de la mission CoRoT à l’ASE.

Review

Cet article sur la recherche d’exoplanètes peut entraîner des discussions scientifiques sur la nature de la vie et la raison pour laquelle nous cherchons à étudier les caractéristiques physiques et chimiques des corps célestes. Il peut aussi être utilisé comme base pour des discussions philosophiques et sociales sur les relations entre les humains et les formes de vie extraterrestres possibles.

Marco Nicolini, l’Italie

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