Que savons-nous sur le climat ? Les preuves du changement climatique Understand article
Traduction par Pierre Stouff . Dans ce premier de deux articles, le climatologue Rasmus Benestad de l'Institut Météorologique de Norvège examine les preuves du changement climatique.
Ces dernières années le changement climatique est devenu une question importante en politique internationale, notamment à cause du Protocole de Kyoto et des discussions au plus haut niveau par exemple lors des sommet du G8. Le récent rapport d’évaluation n°4 (AR4) du Groupe Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (en français GIEC, en anglais IPCC : Intergovernmental Panel on Climate Change) affirme que le réchauffement global enregistré lors des dizaines d’années les plus récentes est très probablement causé par l’activité de l’homme (avec une probabilité supérieure à 90%).
Des organismes scientifiques internationaux ont lancé des appels à des actions visant à pallier au réchauffement global causé par les émissions de gaz à effet de serre comme le CO2: l’IPCC et l’ancien vice-président des Etats-Unis Al Gore ont reçu le Prix Nobel en 2007 pour avoir favorisé la vulgarisation des connaissances sur le rôle de l’homme dans le changement climatique; Une vérité qui dérange (An Inconvenient Truth), le documentaire d’Al Gore, reçut un Academy Award; et la Note de Synthèse du ministre Stern a présenté le changement climatique comme un objectif majeur pour le monde entier.
Dans le même temps, les media ont publié des articles donnant l’impression que les données scientifiques qui sous-tendent le réchauffement global anthropique (du à l’homme) étaient controversées, et les débats s’ètendent désormais des questions scientifiques concernant le changement climatique jusqu’à la manière de gérer ce changement. Mais que savons-nous vraiment sur le climat ? Ci-dessous nous allons examiner les preuves et les arguments concernant le climat et le changement climatique.
L’histoire de la climatologie
Il est nécessaire de replacer la question du climat dans son contexte historique et de noter tout d’abord que celui-ci a déjà été un sujet de discussion il y a fort longtemps. Au 19ème siècle les savants discutaient de savoir si le climat local était affecté par la déforestation, ou si les taches solaires avaient une quelconque influence sur le temps. Vers la fin du 19ème siècle, fut établi l’observatoire de l’aurore du Mont Haldde, dans le nord de la Norvège – principalement à cause de la croyance selon laquelle l’Aurore Boréale, où Lumières du Nord, pouvaient affecter le temps.
Certains érudits croyaient que le climat suivait des cycles, et donc qu’en regardant dans le passé, on pourrait trouver des scénarios qui pourraient être utilisés pour prédire le climat futur. À peu près au même moment il y avait d’autres savants qui étudiaient les effets des accroissements de la concentration atmosphérique en CO2. Ils pensaient que les variations de la concentration en CO2 les aideraient à expliquer les importantes variations de la température associées aux âges glaciaires, car les effets des changements orbitaux de la Terre autour du Soleil paraissaient trop faibles pour pouvoir jouer un rôle. ‘The Discovery of Global Warming’w1 est un excellent site internet (en anglais) qui traite de ces aspects historiques.
En premier lieu, comment savons-nous qu’il y eu des glaciations ? La théorie des périodes glaciaires et interglaciaires fût inspirée par des découvertes geologiques anciennes et des diverses preuves. Les géologues se sont demandés ce qui avait creusé les vallées dans les chaînes de montagnes, et ce qui avait provoqué l’érosion des roches et les moraines glaciaires. Ils finirent par arriver à la seule explication plausible: la glace. Il y avait aussi des preuves paléontologiques, comme les reliques d’une végétation ainsi que d’une faune associées à des climats plus chauds, qui suggéraient que le climat local avait été plus chaud, ou encore d’autres fossiles suggérant que les niveaux marins anciens étaient différents du niveau actuel.
Plus récemment des preuves chimiques plus solides ont été tirées des carottes de glace forées dans les plaques de glace en Antarctique et au Groenland (voir le graphe). Des bulles d’air emprisonnées dans la glace à des profondeurs correspondant au moment où la couche de glace s’est formée, ont apporté des indices sur les températures et les concentrations en gaz atmosphériques présents sous forme de traces.
Notre compréhension des glaciations repose sur deux piliers: la théorie de Milankovitch qui explique comment le déroulement des glaciations peut être relié aux changements dans l’orbite terrestre autour du Soleil, et la thèse d’Arrhenius selon laquelle les variations des niveaux de CO2 peuvent influer sur la température moyenne globale.
Le débat se perpétue; mais, avec le recul, peut-on dire que les savants du passé se soient trompés à propos du climat ?
Des faits sur notre climat
Les variations habituelles du climat nous montrent que celui-ci est sensible aux changements des conditions externes, comme ceux de l’énergie que la Terre reçoit du Soleil. Nous savons aussi que la température moyenne à la surface de la Terre calculée serait plus basse qu’elle ne l’est si l’on se contentait de faire la différence entre l’énergie reçue du Soleil et la chaleur qui est ré-émise vers l’espace.
Il y a effectivement un effet de serre naturel qui maintient la surface de la Terre à ~30ºC au-dessus de ce que le simple bilan énergétique admet. Comment le savons-nous ? Cette conviction est principalement fondée sur les lois de la physique (qui ont été validées dans toutes les autres domaines), qui établissent que notre planète reçoit son énergie du Soleil sous forme uniquement de lumière, mesurée par la constante solaire qui a une valeur de~1370 W/m2. Si la planète ne se réchauffe ni ne se refroidit, alors l’énergie reçue du Soleil doit être compensée par ou en équilibre avec celle que la Terre renvoie en direction de l’Univers.
Cette perte d’énergie suit une loi physique bien établie (la loi de Stefan-Boltzmann) qui a été confirmée par des expériences en laboratoire et qui dit que la perte de chaleur (la radiation d’un corps noir) est dépendante de la température. Il est donc aussi important de tenir compte de la proportion de lumière réfléchie par la planète (par les nuages et la glace, par exemple).
Le bilan énergétique peut être utilisé pour prévoir la température de surface d’autres planètes dans notre Système Solaire; et leur vérification par des mesures expérimentales constitue alors une preuve scientifique bien fondé du bilan. L’intensité du rayonnement solaire peut être facilement calculé à partir de la constante solaire et de la distance au Soleil.
En général, la température de surface des planètes décroît lorsque la distance au Soleil croît, selon ce que l’on peut calculer d’après le bilan radiatif. Mais certaines planètes – comme la Terre – ont des températures de surface plus élevées que celles prédites par le modèle qui ne prend en compte que ce bilan radiatif. Ce sont les planètes qui ont une atmosphère qui contient des gaz à effet de serre (en anglais greenhouse gases, GHGs). Par exemple, la surface de Vénus, qui a une atmosphère qui contient des GHGs, est plus chaude que celle de Mercure, qui est plus proche du Soleil mais qui n’a pas d’atmosphère avec des GHGs.
Des expériences de laboratoire ont précisé les propriétés du CO2 comme gaz à effet de serre. Les GHGs comme le CO2 ont en effet une propriété physique importante: ils laissent passer la lumière visible mais sont opaques à la lumière infra-rouge (la radiation qui correspond à la chaleur).
L’effet de serre peut aussi être abordé sous l’angle de la physique quantique, selon laquelle les photons solaires sont absorbés par augmentation de la rotation ou de la vibration de certaines molécules de l’atmosphère. Lorsque celles-ci perdent ensuite l’énergie reçue des photons, elles émettent vers le sol un rayonnement qui correspond environ à la moitié de l’énergie reçue. Lorsque ce rayonnement est ajouté à la valeur de l’énergie reçue directement du Soleil, l’effet net est un réchauffement de la surface terrestre.
En résumé, la théorie qui sous-tend l’effet de serre est solide et basée à la fois sur des résultats empiriques et sur les résultats de la physique théorique. D’autre part on a mis en évidence, à partir de plusieurs ensembles d’indices, que le climat de la Terre a subi des variations par le passé. Ces variations peuvent être expliquées en termes de changement dans les facteurs qui affectent le bilan énergétique de la Terre.
Web References
- w1 – La découverte du réchauffement global: www.aip.org/history/climate/index.html
Resources
- « Éducation au changement climatique » (Climate Change Education) est un site internet à destination des élèves, des enseignants et d’autres publics : http://climatechangeeducation.org
- « Le Climat en vrai » (RealClimate) est un site pédagogique sur la climatologie réalisé par des climatologues en activité en direction du public intéressé et des jouranlistes. Son but est de fournir une réponse rapide aux articles médiatisés et des données sérieuses qui manquent parfois dans le flot des commentaires des articles des média. L’espace de discussion sur RealClimate est réservé aux thèmes scientifiques et ne porte pas sur les implications politiques et économiques de la science. Voir www.RealClimate.org
Review
Tout le monde a entendu parler du changement climatique; effectivement, le sujet est fréquemment abordé par les médias, mais l’information qui est donnée est souvent incomplète ou biaisé par des opinions politiques. En tant que professeurs de science nous devons fournir à nos étudiants une information exacte et des instruments pour développer leur sens critique à partir de faits dans le but d’une citoyenneté active.
L’article de Rasmus Benestad, en deux parties, est fort utile pour cela, car il présente le sujet du climat dans un langage clair et avec une approche objective, en s’appuyant sur son histoire, sur les preuves accessibles, la contribution anthropique et les problèmes en discussion. Il donne en plus au lecteur de bonnes références sur la toile pour des recherches plus approfondies sur le sujet.
Je recommande d’abord cet article aux professeurs de science qui désirent mettre à jour leurs connaissances et ensuite aux élèves du secondaire intéressés par les faits et par les preuves scientifiques qui sous-tendent un problème de société. Cet article est aussi particulièrement adapté à des discussions en classe ainsi que pour une approche pluridisciplinaire dans le cadre d’une éducation à l’environnement dans l’enseignement secondaire.
Giulia Realdon, Italie