Maggie Aderin-Pocock: une carrière dans l’espace Understand article

Traduit par Johanne Patryy. Enfant, Maggie Aderin-Pocock rêvait d’aller dans l’espace. Il n’y est pas encore parvenu, mais elle touche presque au but, a-t-elle dit à Eleanor Hayes.

Saturne, vue dans le visible
(à gauche) et dans
l’infrarouge (à droite et au
centre)

Image reproduite avec l’
aimable autorisation de ESO /
University of Oxford / LN
Fletcher / T Barry

Êtes-vous prêts à faire un tour de l’univers? Attachez votre casque et nous allons tamiser la lumière.

Une image thermique
infrarouge de Jupiter avec
une de ses lunes, Io (à
gauche de l’image) prise par
le très grand télescope de
l’ESO. Image courtoisie de
l’ESO

Image reproduite avec l’
aimable autorisation de ESO

Durant la prochaine heure, nous voyagerons dans notre système solaire, dans notre galaxie et au-delà. Alors que nous laissons la Terre derrière nous, nous pouvons nous émerveillez sur notre planète et sa surface d’eau avant de nous élancer sur l’orbite de la Lune et voir à quel point elle est différente. Après nous voyagerons au centre de notre système solaire et examinerons le Soleil avant de visiter Vénus, Mars et Jupiter. Nous regarderons de près les anneaux de Saturne avant de terminer sur Pluton. De là, nous quitterons le système solaire et visiterons quelques étoiles de notre ciel nocturne jusqu’à ce que nous atteignons la limite de notre galaxie. À cet endroit, nous utiliserons la toute dernière technologie à bord du télescope spatial Hubble pour voir ce qui se trouve aux confins de l’univers et tenterons de calculer combien il y a de galaxies et la probabilité de l’existence de la vie ailleurs.

Prêts pour le décollage? 3-2-1 et nous nous envolons!

Cela peut sembler hors du réel, de la science- fiction, pratiquement un rêve impossible, mais Maggie Aderin-Pocock a suivi ce parcours régulièrement durant les cinq dernières années, guidant des enfants à partir de quatre ans par les chemins de notre univers. De la sécurité relative de leur classe, ils se sont promenés lors d’un voyage simulé dans l’espace et dans le temps le temps, transportés seulement par un logicielw1 et l’enthousiasme débordant de Maggie.

Maggie visitant des
panneaux solaires

Image reproduite avec l’
aimable autorisation de
Paul Nathan

Maggie, la scientifique en sciences spatiales, est très sollicitée : elle développe des instruments pour des satellites, filme pour la BBC et, depuis mars 2010, s’occupe de sa fille Laurie. Toutefois, elle trouve du temps pour visiter des écoles aux Royaumes-Unis.

«J’aime qu’il y ait dans mes présentations des aspects qui attirent les filles et des aspects qui attirent les minorités ethniques, mais le défi principale est de tenter de faire réaliser aux personnes que la science est accessible à tout le monde. N’importe qui est curieux est effectivement un scientifique. Il n’est pas nécessaire de porter un nœud papillon ou des cheveux en bataille.»

«Je tente aussi de démontrer que si vous examinez l’histoire, toutes les cultures ont été intéressées par l’astronomie. Je parle de Stonehengew2 aux Royaumes-Unis et à propos d’un cercle de pierre dans le sud de l’Égypte, à Nabta Playaw3, un des plus vieux cercles de pierre au monde (environ – 6 000 années). Ces deux constructions astronomiques anciennes, qui démontre que les peuples de la Terre ont regardé le ciel nocturne et se sont demandés ce qu’il y avaitw4 ailleurs.»

Stonehenge, un cercle
préhistorique en pierre qui
permet de prédire des
événements célestes

Image reproduite avec l’
aimable autorisation de Old
Moonraker; Source de l’image:
Wikimedia Commons

Quels conseils Maggie offre-t-elle aux jeunes scientifiques qu’elle rencontre lors de ses visites dans les écoles?

«Je recommande de trouver ce qui vous intéresse réellement et d’aller dans cette voie. Cependant, il faut être conscient des autres domaines scientifiques. En tant que scientifique, nous pouvons être très linéaires, suivant un chemin de recherche dans les détails, mais en regardant autour, nous pouvons trouver d’autres domaines en science qui peuvent améliorer notre recherche. Certains des plus grands indices et des plus grandes découvertes scientifiques ont été effectuées où les sciences se chevauchent.»

Personne ne peut accuser Maggie d’avoir une carrière linéaire. Enfant, elle était captivée par un livre de la bibliothèque qui présentait sur sa page couverture un astronaute et elle rêvait de devenir une astronaute aussi, mais son parcours en sciences spatiales était tout sauf direct.

«Je souffre de dyslexie, alors je n’étais pas très bonne en anglais ou en histoire à l’école, mais j’avais des aptitudes en science. Mon père voulait que j’étudie en médecine et j’ai trouvé la biologie absolument fascinante. Mais en fin de compte, j’ai décidé d’étudier la physique.» Étudiante à Londres, R.-U., Maggie a construit son propre télescope et a commencé à se spécialiser en optique. Commanditée par de grandes compagnies pétrolières, elle a fait son doctorat, dans lequel elle a développé un système optique pour examiner les huiles à moteur, pour permettre au lubrifiants d’être testés plus efficacement et à moindre coûts, un système qui est encore utilisé commercialement, plus de 15 années plus tard.

Lorsque Maggie a rejoint le marché du travail en 1994 après son doctorat, la Grande Bretagne était en pleine récession et les emplois étaient difficiles à trouver. À reculons, elle a pris un emploi au ministère de la défense du R.-U..«Enfant, j’étais une pacifiste, mais mes idées avaient évolué depuis et j’avais réalisé que nous avons besoin de défenses. Par contre, durant l’entrevue on m’a dit «On ne peut pas vous dire ce que vous ferez tant que vous n’avez pas signé l’Acte des secrets officiels . Alors j’en suis venue à réaliser qu’il a des choses que je ne suis pas prête à faire et que je devais peut-être laisser le poste avant même de commencer.»

Finalement, Maggie a eu beaucoup eu de plaisir dans son emploi, développant des systèmes optiques qui détectent des missiles, avertissent le pilote et envoient des fausses cibles pour éviter que l’avion ne se fasse toucher. «La majorité de mon travail durant mon doctorat était basé dans un laboratoire et soudainement je volais un peu partout en pointant des caméras à l’extérieur de la porte d’un avion. C’était mieux être une scientifique que James Bond!»

Le dôme du Gemini South
Telescope reflétant le
coucher de soleil chilien

Image reproduite avec l’
aimable autorisation de
Gemini Observatory / Keith
Raybould

Son prochain projet impliquait le développement de détecteurs manuels pour des mines terrestres qui se fiaient à un détecteur de métal, un radar pouvant pénétrer le sol (pour déterminer la forme générale) et un quadropole nucléaire de résonance (pour détecter des explosifs). «Les détecteurs de mines terrestres étaient un sujet très chaud vers la fin des années 90 à cause de tout le travail qu’accomplissait la Princesse Diana. Pour cette raison, nous avons reçu beaucoup de visites de la part de politiciens et j’ai trouvé des façons intéressantes de leur expliquer cette technologie, c’est à ce moment que j’ai commencé à penser à m’engager pour travailler auprès du public.»

Le centre de notre galaxie,
la Voie Lactée, tel qu’observé
dans le infrarouge proche
avec l’instrument NACO sur
le très large télescope de ESO

Image reproduite avec l’
aimable autorisation de
ESO / S Gillessen et al.

C’est à cette époque par contre que la carrière de Maggie a pris un autre tournant. «J’ai toujours voulu travailler dans l’espace et en astronomie, et en 1999 un emploi s’est présenté à l’University College London en gestion d’un projet qui fabriquait bHROSw5, un spectographe pour le télescope Gemini au Chili.» En fait, l’emploi est devenu beaucoup plus que la gestion d’un projet

«J’aime la gestion de projets mais j’ai surtout fait des choses aussi. À la fin du projet, nous avons emballé les instruments dans 28 boîtes et j’ai voyagé au Chili moi-même pour le construire sur le télescope. Le Chili est mon endroit préféré sur la Terre, juste au milieu de la Voie Lactée. J’y suis restée pendant neuf mois. À la fin, mon mari a dû venir me ramener à la maison!»

À son retour aux R.-U. en 2004, Maggie est partie de la construction d’instruments pour voir dans l’espace à la construction d’instruments qui voyagent réellement dans l‘espace. En tant que gestionnaire de projets à Surrey Satellitesw6 (maintenant avec Astrium), elle était responsable du développement d’un instrument spectographique, un petit composant du vaste télescope spatial James Webbw7. Une collaboration entre la NASA, l’agence spatiale européenne (ESA)w8 et l’agence spatiale canadienne, le lancement du télescope spatial James Webb remplacera le télescope spatial Hubble est prévu pour 2018.

«Enfant, je voulais être une astronaute. Je n’ai pas (encore) réussi, mais être un scientifique en sciences spatiales est assez près parce que je construits des instruments qui vont dans l’espace. Lorsque le télescope sera lancé, il voyagera à des millions de kilomètres de la Terre et regardera l’Univers, en espérant nous fournir une nouvelle compréhension de ce qui s’y trouve. Faire partie de tel projet me remplit de joie.»

Représentation artistique du
télescope spatial James
Webb, prévu d’être lancé
en 2018

Image reproduite avec l’
aimable autorisation de
TRW et Ball Aerospace

Par la suite, Maggie a travaillé pour Astrium sur plusieurs projets d’instrumentation optique pour l’ESA et la NASA, ainsi que pour des télescopes terrestres. Son dernier projet implique la détection du dioxyde de carbone, en faisant partie d’un grand projet de la NASA. «Tout un défi. Nous pouvons détecter les caractéristiques d’absorption du dioxyde de carbone, mais nous voulons réellement situer leurs émissions, trouver d’où il provient et combien il y en a, ainsi dans le futur, les personnes qui rejettent du dioxyde de carbone seront taxées. Le faire de l’espace a beaucoup plus de sens, mais vous devez développer des détecteurs de très haute résolution.»

C’est pendant qu’elle travaillait pour Astrium que Maggie est devenue de plus en plus impliquée en communication scientifique. En 2006, avec des subventions du Science and Technology Facilities Council du R.U.w9, elle a commencé à visiter des écoles et à apparaître à la télévision lors des nouvelles. «Je voulais démontrer le vol parabolique en lançant une pomme, mais les équipes de tournage ont été un peu perturbées parce qu’habituellement il n’y a pas de démonstrations en directe durant les nouvelles. À la fin, ils ont adoré et on m’a demandé de faire d’autres présentations et j’apporte toujours une démo si je le peuxw10.”

Maggie décrit comment se
produit une éclipse totale
du Soleil

Image reproduite avec l’
aimable autorisation de
Paul Nathan

Depuis la naissance de sa fille Laurie, Maggie prend une pause de l’instrumentation spatiale, mais elle est très impliquée en communication scientifique. «Quatre jours après la naissance de Laurie, j’ai reçu un courriel qui me demandait de faire un documentaire pour la BBC. Mon mari a pris du temps de son travail pour s’occuper de notre fille et nous avons voyagé de par le monde pour faire le documentaire appelé «Avons-nous réellement besoin de la Lune?’ Présentement nous tournons un second documentaire sur la nécessité des satellites. Laurie voyage avec nous.»

Lorsque Laurie sera un peu plus âgée, Maggie planifie retourner à l’instrumentation spatiale, mais en attendant elle espère s’impliquer dans un projet pour des festivals musical et littéraire, examinant la science dans les pièces de Shakespeare. «Par exemple, dans Roméo et Juliette, Juliette boit un poison qui simule sa mort. Quelle était la composition de cette potion? Est-ce qu’elle existe réellement? Quand les personnages de Shakepeare naviguent avec les étoiles, quelles constellations utilisent-ils? Nous pouvons utiliser les pièces pour voir à quel point la science a évolué depuis le 17ième siècle.»

De toute évidence, Maggie ne regrette pas son choix de carrière. «Je suis très chanceuse d’avoir trouvé un travail qui me plaît tant et qui est aussi diversifié, pas seulement construire de l’équipement qui va dans l’espace, mais aussi d’en parler. J’aime transmettre mon enthousiasme lorsque c’est possible.»


Web References

  • w1 – Celestia est un logiciel en astronomie gratuit, interactif et en 3D qui vous permet de voyager dans tout le système solaire, vers plus de 100 000 étoiles et même au-delà de la galaxie. Concevez votre propre tour de l’Univers ou encore essayez des tours préparés par d’autres utilisateurs. Voir : www.shatters.net/celestia
  • w2 – Stonehenge près de Salisbury, R.-U. est un cercle énorme de pierres construit entre -3 000 et -2 000. Les archéologues sont en désaccords concernant la signification religieuse du monument, mais sa conception semble permettre de prévoir des éclipses, les solstices, les équinoxes et d’autres événements célestes. Pour en savoir plus, voir : www.stonehenge.co.uk
    • Pour en apprendre plus sur l’excavation de Stonehenge en 2008 et pour un panorama en 360o du cercle de pierres, visitez le site internet de la BBC (www.bbc.co.uk) ou utilisez le lien direct: http://tinyurl.com/55qv67

  • w3 – Pour en apprendre plus sur l’astronomie du Néolithique à Nabta Playa, voir : www.colorado.edu/APS/landscapes/nabta ou utilisez le lien direct : http://tinyurl.com/7pghhsu
  • w4 – Ciblée pour de jeunes enfants, Histoires des étoiles est une collection concernant les mythes en astronomie, chaque histoire courte provient d’une culture différente. Pour télécharger les histoires illustrées (en Anglais, en Aragonais, en Français, en Portugais et en Espagnol), visitez : http://sac.csic.es/unawe/cuentos_cuentos_de_estrellas_eng.html ou utilisez le lien direct : http://tinyurl.com/75z92gj
  • w5 – bHROS est un spectrographe optique faisant partie du Gemini South Observatory à Crro Pachòn, Chili. Pour en apprendre plus, voir le site de l’observatoire Gémini (www.gemini.edu) ou utilisez le lien direct : http://tinyurl.com/7wwbj7w
  • w6 – Fondée en tant qu’entreprise à partir de l’université de Surrey, R.-U., Surrey Satellite Technology se spécialise dans la conception, la construction et le lancement de petits satellites. Voir : www.sstl.co.uk
  • w7 – Le télescope spatial James Webb sera un large télescope infrarouge qui examinera toutes les phases de l’histoire cosmique à partir de la première étincelle de lumière après le Big Bang à la formation des galaxies, des étoiles et des planètes jusqu’à l’évolution du système solaire. Voir : www.jwst.nasa.gov
  • w8 – L’Agence spatiale européenne est la porte d’entrée à l’espace. Elle organise des programmes pour en savoir plus sur la Terre, son environnement spatial immédiat, notre système solaire ainsi que l’univers tout en coopérant dans l’exploration humaine de l’espace. L’ESA en développe des technologies sur les satellites, des services tout en faisant la promotion d’industries européenne. Voir : www.esa.int
    • L’ESA est un membre de EIROforumw11, la maison d’édition de Science in School.

  • w9 – Le conseil des facilités en Science et Technologie effectue des recherches civiles en science et en ingénierie tout en subventionnant les recherches aux R.-U. dans des domaines incluant la physique particulaire, la physique nucléaire, les sciences spatiales et l’astronomie. Voir : www.stfc.ac.uk
  • w10 – Pour visionner une vidéo avec Maggie qui explique à Jeremy Paxman de l’émission Newsnight pourquoi la Lune semble rouge sang pendant une éclipse lunaire, voir : www.bbc.co.uk/news/science-environment-13787011 ou utilisez le lien direct : http://tinyurl.com/7v6vxxy
  • w11 – EIROforum est une collaboration entre huit organisations de recherches scientifiques gouvernementaux européens qui mettent en commun leurs ressources, leurs facilités et leur expertise pour supporter la science européenne dans l’atteinte de son plein potentiel. Dans son mandat éducatif, EIROforum publie Science in School. Pour en savoir plus, voir : www.eiroforum.org

Resources

  • Le site internet Celestia Motherlode offers 12 tours éducatifs détaillés sur l’espace pour plus de 400 destinations avec des fiches de travail à compléter par les élèves. Voir : www.celestiamotherlode.net/catalog/educational.php
  • Le European Southern Observatory (ESO) est l’organisation intergourvernementale en astronomie à l’avant plan en Europe et l’observatoire astronomique le plus productif mondialement. Son site internet offre une quantité impressionnante de nouvelles, d’images, de vidéos et d’autres ressources en astronomie, sur l’espace et l’univers tout en visant les écoles et le grand public. Voir : www.eso.org
  • ESO est un membre de EIROforumww11, la maison d’édition de Science in School.

Author(s)

Dre. Eleanor Hayes est l’éditrice en chef de Science in School. Elle a étudié la zoologie à l’université de Oxford, R.-U. et a complété son doctorat en écologie des insectes. Elle a ensuite passé un certain temps à travailler en administration universitaire avant de déménager en Allemagne et en publication en 2001. En 2005, elle a déménagé au Laboratoire Européen de Biologie Moléculaire pour lancer Science in School.

Review

C’est un article intéressant à propos de la vie dynamique et incroyable d’une scientifique des temps modernes. Il pourrait être mieux mis en relation avec les sciences physiques, mais peut facilement être utilisé dans un contexte multidisciplinaire.

Il démontre l’importance pour nous les enseignants d’inspirer nos élèves à imaginer et à rêver. En tant qu’enseignants en science, je sens que nous pourrions leur procurer un environnement adéquat pour ce faire; nous devrions leur fournir des situations et de l’information qui invoquent les intérêts des élèves tout en les aidant à baser leurs rêves sur des faits plutôt que sur la fiction.

Cet article est très approprié pour des discussions par exemple sur les carrières possibles en science, sur les scientifiques en tant que personnes réelles, sur les caractéristiques et les traits des scientifiques et sur les femmes en science. Il peut aussi être utilisé pour illustré comment les principes et les concepts scientifiques peuvent être reliés dans d’innombrables applications autour de nous.

J’espère que Maggie pourra un jour aller dans l’espace et que tous ses élèves réalisent leurs rêves.

Paul Xuereb, University Junior College, Malta

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