La vie sur Mars: terraformer la Planète Rouge Understand article
Traduit par Camille Ducoin. Réalité scientifique, ou science-fiction? Margarita Marinova, du Caltech (États-Unis), enquête sur la possibilité d'installer la vie sur Mars.
Par le passé, en observant Mars, des astronomes ont cru voir une planète parcourue de canaux d’irrigation et garnie de végétation. Cent ans plus tard, en 1964, la sonde spatiale Mariner 4 atteignait Mars. Grande dut être la déception des scientifiques en découvrant un monde stérile sans la moindre trace de végétation, d’eau, ni de vie. Pour ces chercheurs, l’idée d’une planète Mars couverte de plantes est soudain apparue comme de la science-fiction.
Dans les quarante années qui ont suivi Mariner 4, nous avons beacoup appris sur Mars, grâce aux nombreuses sondes envoyées pour explorer la Planète Rouge. Nous savons que la température à la surface de cette planète varie entre -143 ºC aux pôles et +27 ºC à l’équateur. Mars a une atmosphère très ténue (environ 1% de la pression de l’atmosphère terrestre), et pas d’eau liquide; la surface de cette planète est hostile à la vie, étant exposée aux UV et constituée d’un régolite très oxydant. Pourtant, les images montrant de larges lits et réseaux de rivières, ainsi que les couches de sédiments et traces d’érosion découvertes par la mission Mars Exploration Rovers, nous ont appris que la planète Mars a été chaude, humide et pourvue d’une atmosphère dense durant les premiers 500 millions d’années de son histoire. Alors, serait-il possible de rendre Mars de nouveau habitable?
Telle est la promesse de la terraformation – modifier une planète de façon à la rendre habitable pour la vie terrestre. L’idée de terraformation a été suggérée pour la première fois dans les années 1930, uniquement dans le domaine de la science-fiction. Cependant, dans les années 1960, les scientifiques ont commencé à y réfléchir sérieusement. Est-ce vraiment faisable? Cela peut-il être effectué avec la technologie actuelle?
Pour savoir si la terraformation est faisable, nous devons d’abord regarder ce qui est indispensable pour la vie, et si Mars possède les conditions de base. Actuellement, il ne peut y avoir d’eau liquide à la surface de Mars car l’atmosphère y est trop ténue (la pression étant en dessous du point triple de l’eau, celle-ci ne peut se trouver que sous forme solide ou gazeuse, quelle que soit la température). En plus d’eau liquide, la forme de vie terrestre la plus basique a seulement besoin d’une atmosphère avec laquelle échanger des gaz. Les organismes plus complexes ont des contraintes plus strictes – les plantes utilisent de petites quantités d’oxygène, et les animaux ont besoin d’une atmosphère plus dense – mais les micro-organismes sont peu exigeants.
Les calottes polaires et le sol de Mars contiennent du dioxyde de carbone gelé (glace carbonique), qui serait libéré sous forme de gaz si la planète se réchauffait; ce qui rendrait l’atmosphère plus dense, et augmenterait le réchauffement de la planète. Cela entraînerait la fonte de l’eau gelée qui a été détectée dans les calottes polaires. Ainsi, il semble que Mars possède les deux ingrédients clés pour permettre à la vie de s’y installer. Une fois obtenu un premier réchauffement, par une méthode donnée, il s’enclencherait un cycle positif: la libération de dioxyde de carbone par les calottes et le régolite, l’épaississement de l’atmosphère, l’augmentation du réchauffement, et les conditions permettant le maintien d’eau liquide à la surface.
Comment pourrait-on réchauffer Mars, ou provoquer le relâchement de la glace carbonique dans l’atmosphère? Beaucoup d’idées ont été proposées, par exemple: mettre des miroirs sur orbite autour de Mars afin d’envoyer davantage de lumière vers sa surface; saupoudrer les pôles de poussière noire afin de diminuer leur albedo (brillance), pour qu’ils absorbent davantage la chaleur du Soleil; introduire des gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Il existe des groupes travaillant sur la façon de rendre les deux premières idées technologiquement réalisables; mais nous avons déjà appliqué sur Terre la méthode du gaz à effet de serre – ce qui en fait, pour le moment, la méthode de terraformation la plus prometteuse.
Les gaz à super effet de serre sont des molécules très efficaces pour absorber l’énergie émise par la surface de la planète, et la réémettre non seulement vers l’espace – où elle sera perdue pour toujours – mais aussi vers la surface de la planète, ce qui la réchauffe davantage. Ils fonctionnent comme une couverture. Mais nous ne voulons pas n’importe quelle couverture! Par exemple, le dioxyde de carbone serait comme un drap fin, alors qu’un gaz à super effet de serre tel que le perfluoropropane (C3F8) jouerait le rôle d’une couverture de laine. C’est pourquoi nous voulons utiliser des gaz à super effet de serre – avec un fort potentiel de réchauffement, et aussi un long temps de vie dans l’atmosphère (plusieurs milliers ou dizaines de milliers d’années) – afin de réduire le taux de remplissage nécessaire. Un point clé est de choisir un gaz qui ne détruise pas la couche d’ozone, actuelle et future, de Mars (contrairement aux chlorofluorocarbones, ou CFCs).
Des modèles atmosphériques détaillés ont montré que l’un des meilleurs gaz à super effet de serre pour cette opération est le perfluoropropane, dont la quantité totale nécessaire serait d’environ 26000 fois la quantité de gaz semblables (CFCs, perfluorocarbones et hydrofluorocarbones) rejetés chaque année sur Terre par l’industrie. Cela signifie que l’on ne peut pas produire ces gaz sur Terre pour ensuite les transporter sur Mars. Il faudra les produire sur place. Par conséquent, la terraformation de Mars ne commencerait probablement qu’au moment sa colonisation, qui entraînerait la motivation et les moyens industriels nécessaires pour la production des gaz à super effet de serre.
Actuellement, les gaz à effet de serre produisent sur le climat terrestre des effets drastiques et indésirables; il peut donc sembler irresponsable de les utiliser sur Mars. Les deux cas sont cependant différents. Il est important d’éviter de modifier le climat terrestre, car la Terre abrite déjà un écosystème très évolué dont l’équilibre est intimement lié au climat. Sur Mars en revanche, il n’existe rien de semblable. Des études chimiques et photographiques ont montré que la vie n’est pas répandue sur la planète, et ne contrôle pas son environnement. Il peut éventuellement exister des organismes endormis, ou vivant dans le sous-sol. En bons explorateurs et scientifiques, et en accord avec le traité de protection planétaire, nous devrons explorer Mars complètement, à la recherche de traces de vie, avant de contaminer nos recherches scientifiques avec des organismes terrestres, ou de provoquer une compétition entre vie terrestre et martienne. Par ailleurs, les premières étapes de la terraformation devraient faire revenir sur Mars les conditions qui y régnaient en des temps anciens – quand la vie aurait pu y naître – donnant ainsi à des survivants endormis ou cachés une opportunité de sortir d’hibernation et de recréer une biosphère.
Une discussion sur la terraformation est incomplète si l’on ne pose pas la question: “devrait-on?”. Le fait que la terraformation soit technologiquement faisable, et qu’elle n’aille pas détruire un écosystème en place, ne suffit pas à justifier que son application soit nécessaire. La planète Mars est belle et intéressante telle qu’elle est, aussi devrions-nous peut-être la laisser intacte pour permettre son étude par les générations futures, et préserver sa beauté actuelle. Pour ma part, je dirais que la vie est ce que nous connaissons de plus beau et de plus précieux, et que la répandre à travers notre système solaire est la chose la plus importante que nous puissions faire! C’est la présence de vie qui rend la planète Terre unique, et qui y permet notre propre existence.
La terraformation de Mars nous permettrait aussi de coloniser et explorer cette planète plus facilement; nous aurions seulement besoin de porter des masques à oxygène, mais pas de combinaison spatiale grâce à la haute pression atmosphérique.
Il y a cent ans, les astronomes ont cru voir de l’eau et de la végétation sur Mars. Ils se trompaient à cette époque, mais peut-être contemplaient-ils simplement le futur.
Review
Dans les bons récits de science fiction, les idées les plus fantaisistes doivent être théoriquement réalisables, de telle sorte que dans un futur plus ou moins lointain le progrès technologique transforme peut-être la fiction futuriste en fait quotidien. Margarita Marinova, du Caltech, étudie la faisabilité de la terraformation de Mars, cette idée sortie des romans de science-fiction: rendre les conditions sur la Planète Rouge plus proches de celles qui règnent sur la Planète Bleue, dans l’espoir d’y rendre la vie (humaine) possible.
La plupart des élèves ont un intérêt naturel pour l’astronomie et les problèmes d’environnement: cet article concerne clairement les deux domaines, et aborde différents aspects des sciences traditionnelles, y compris la géologie. Il comporte aussi un questionnement éthique sur la terraformation, qui peut être soulevé en cours d’éducation personnelle, sociale et sanitaire (PSHE: personal, social and health education). Par ailleurs, des artistes pourraient créer des illustrations montrant une Planète Rouge récemment terraformée, et peut-être les comparer à des illustrations produites au milieu du siècle dernier.
Cet article donne matière à des exercices de compréhension et à des débats en classe, à partir de diverses questions qui dépassent les frontières disciplinaires traditionnelles. Les questions de compréhension peuvent être par exemple:
- Trouvez dans l’article où il est question de ‘feedback positif’. Expliquez ce que cela signifie dans ce contexte. Trouvez un autre exemple de feedback positif (en dehors de l’article). Le résultat d’un feedback positif est-il toujours souhaitable?
- Quelles sont les trois méthodes évoquées pour réchauffer la Planète Rouge? Quels sont les avantages et les inconvénients de chacune?
- Comment changeraient nos repères temporels si nous vivions sur Mars? Les jours et les nuits seraient-ils plus courts ou plus longs? Aurions-nous encore des saisons? Quelle serait la durée d’une année? La gravité est-elle plus forte sur Mars ou sur Terre? Quel effet cela aurait-il par exemple sur la pratique d’un sport martien?
Vous pouvez aussi vous aventurer sur le domaine du bien et du mal associés à cette entreprise de terraformation. La grande question: “devrait-on?” provoquera sans doute beaucoup de discussions, et vous pouvez demander aux élèves si leur réponse à cette question pourrait dépendre des cisconstances. Par exemple, serait-il toujours moralement condamnable de terraformer Mars si notre propre planète se trouvait en phase terminale de déclin, et que les être humains n’avaient nulle part où aller? Comme mentionné plus haut, ce débat peut être abordé en cours de PSHE, fournissant un exemple à plus grande échelle que le débat sur le droit à la vie qui revient habituellement quand les domaines de la science et de l’éthique se rencontrent.
Cet article donne une bonne introduction au sujet, et peut servir de point de départ pour une recherche plus approfondie si cette idée stimule l’intérêt des élèves. Ils peuvent voir des extraits du film An Inconvenient Truth, dans lequel Al Gore expose le problème des gaz à effet de serre, et suggère qu’une lueur d’espoir pourrait naître des menaces liées au changement climatique. Ils peuvent aussi en apprendre davantage sur Mars: comment a-t-on appris ce que l’on sait sur Mars, étant donné que les humains n’y sont jamais allés? Quels sont les projets actuels concernant l’envoi d’humains sur Mars? Quels sont les défis d’une telle mission, et en quoi sont-ils différents des défis affrontés dans les années 60 et 70 pour envoyer des hommes sur la Lune? Enfin, vous pouvez demander aux élèves de trouver des exemples d’idées de science fiction devenues réalité.
Ian Francis, Royaume Uni