Combattre un vieil ennemi: la tuberculose Understand article
La tuberculose n'est pas un sujet habituel de préoccupation chez les européens Mais cette maladie est en recrudescence et présente une résistance à de nombreux médicaments. Claire Ainsworth décrit comment Matthias Wilmanns et son équipe s'efforcent de contenir cette maladie.
“Che gelida manina” – Quelle petite main froide. Rodolfo, l’artiste indigent d’un opéra de Puccini, , La Bohème, chante son amour à Mimi, une fille qu’il vient juste de rencontrer. Les deux personnages se sont rencontrés dans une mansarde dans le Paris des années 1830, et enchantent le public de l’opéra avec leur histoire d’amour si touchante. Mais leur relation est condamnée : Mimi a la tuberculose et s’éteint petit-à-petit, glacée, dans les accès de toux. Lorsque, dans la scène finale, Rodolfo, accablé de douleur, se jette sur le lit de mort de Mimi en hurlant son nom, il n’y a guère d’yeux secs dans la salle.
Cependant, La Bohème, écrit dans les années 1890, a perdu quelque-peu de son effet sur le public européen moderne. Même si nous sympathisons avec le pauvre Rodolfo, l’idée que quelqu’un puisse mourir de nos jours de la tuberculose (TB) semble quelque peu artificiel. Avec les vaccins et les antibiotiques modernes, cette maladie semble être d’un temps révolu. Et, en effet, dans les années 1950 et 1960, le succès de l’antibiothérapie était tel que de nombreux experts prévoyaient l’éradication mondiale de la TB.
Mais deux choses ont affaibli nos défenses thérapeutiques contre la TB. La première est que les patients n’ont souvent pas suivi jusqu’au bout leur traitement antibiotique. La seconde est l’arrivée de la pandémie du VIH qui a décimé le système immunitaire de millions de gens de par le monde. Ce qui a eu pour conséquence de donner à la TB l’opportunité de développer une résistance aux médicaments et de le faire avec un grande rapidité.
Bientôt des souches bactériennes résistantes à un ou plusieurs antibiotiques sont apparues. Maintenant une forme hautement létale, surnommé XRD-TB pour « TB-eXtrêmement Résistante aux médicaments (Drugs) », est apparue. Elle résiste à pratiquement tous les antibiotiques – et une souche résiste même vraiment à tous. Si elle se répand, une telle souche peut rendre les médecins aussi démunis que dans les années 1800. « C’est alarmant » dit Matthias Wilmanns, directeur du Laboratoire Européen de Biologie Moléculaire (EMBL) à Hambourg en Allemagne. “L’émergence de la souche XDR-TB est un problème grave.”
Matthias dirige un projet qui fait partie d’une contre-offensive de la science biomédicale contre la TB. Le projet X-MTB est développé par un groupement d’institutions académiques et de partenaires industriels en Allemagne et est coordonné par l’EMBL à Hambourg. Son but est de découvrir les structures des protéines de la TB qui pourraient être la cible de médicaments. De nouveaux médicaments son,t en effet, désespérément nécessaires : aucun nouveau traitement pour éradiquer la TB n’a atteint le stade clinique depuis plus de 40 ans.
L’équipe de Matthias fait partie d’un effort mondial qui tente d’appliquer la génomique structurale – la science qui s’efforce de déterminer la structure de chaque protéine codée dans le génome d’un organisme – à Mycobacterium tuberculosis, la bactérie qui est l’agent de la TB. Alors que le consortium américain de Génomique Structurelle sur la TB (TB Structural Genomics Consortium) a choisi une approche exhaustive en scannant le génome entier, Matthias et ses collaborateurs ont fait porter leurs efforts sur la recherche des structures de protéines qui ont déjà été repérées comme des possibles cibles pour les médicaments. Connaître seule la structure d’une protéine est sans intérêt pour ceux qui développent les médicaments , car ils ne doivent concevoir de médicaments qui interagissent uniquement avec les parties fonctionnelles de la protéine.
Le projet X-MTB a débuté en 2003 sous l’égide du Ministère allemand pour la Science et l’Education. Avec l’aide de Stefan Kaufmann de l’Institut Max-Planck de Biologie Infectieuse, et membre du consortium, l’équipe a sélectionné 242 protéines pour être étudiées. Les protéines impliquées dans la capacité de la TB à survivre pendant des dizaines d’années dans le corps humain, sont d’un intérêt tout particulier.
Environ un tiers de la population mondiale est infecté par la TB, la plupart avec des infections dormantes cachées contenues par le système immunitaire. Il n’y a pas moins de trois millions de personnes qui meurent chaque année au cours d’une infection aiguë ou lors de la réactivation d’une infection dormante. Cette dormance ou ‘latence’ est un réel problème parce-que la plupart des antibiotiques ne tuent les bactéries que si elles se divisent activement. Et donc, trouver des médicaments qui empêchent la survie de la TB à long-terme dans le corps humain est un objectif prioritaire.
À ce jour, le projet X-MTB a eu un succès remarquable. Grâce à son savoir-faire technologique et expérimental, l’équipe a invalidé un très ancien dogme de la cristallographie X, selon lequel il n’était possible, pour une groupe de protéines, que d’atteindre une efficacité de détermination de 10%. « Nous avons montré qu’il est possible d’obtenir environ un tiers des protéines cibles choisies sous forme purifiée et cristallisée », dit Matthias.
La clé du succès fût l’accès permanent au laboratoire et le travail de cristallisation à grande échelle à l’EMBL d’Hambourg, couplé à un procédé innovant de l’équipe pour synthétiser les protéines. « La croyance habituelle était que les structures étaient très difficiles à obtenir, » dit Matthias. « Avec ce projet, nous avons pu montrer que si vous en fabriquez à haut débit, vous pouvez même avoir trop de structures ».
Grâce à ces efforts l’équipe du X-MTB a déjà fourni la structure de 35 protéines de la TB. La fonction de nombre de ces protéines était inconnue mais le consortium a déjà progressé pour savoir ce que certaines d’entre elles font. Dans plusieurs cas, la structure a effectivement aidé à trouver la fonction de la protéine.
L’exemple d’un tel cas est celui de la LipB, une enzyme impliquée dans la production de cofacteurs nécessaires à la TB pour croître et survivre. Stefan l’a isolé comme étant une cible clé lorsque l’équipe a trouvé que cette enzyme était extrêmement active dans les cellules humaines infectées, et surtout celles infectées avec la TB multi-résistante aux médicaments. C’est alors que le groupe de Matthias s’est attelé à produire des cristaux de l’enzyme et à les étudier afin de déterminer sa structure. Ce travail a montré de façon inattendue qu’il y avait une autre petite molécule appelée l’acide decanoïque qui était lié à l’enzyme. D’autres expériences ont montré que cet acide faisait partie du site actif de la LipB, ce qui a permis à l’équipe de Matthias de trouver quel type de réaction chimique avait lieu dans ce site et donc de trouver à quel type d’enzyme elle se rattachait. « C’est une sorte de découverte classique de l’activité de l’enzyme, réalisée à partir de la structure, » dit Matthias. Davantage de recherches seront nécessaire pour voir s’il est possible de bloquer cette activité avec des médicaments, ajoute-t-il.
Une autre voie magistrale d’attaque comprend le système utilisé par la TB pour tester et répondre à son environnement. De tels systèmes sont mal connus. Parmi eux, le système appelé PrrA-PrrB, qui aide la bactérie à se répliquer et à survivre à l’intérieur des macrophages, les cellules immunitaires qu’elle infecte, est une cible évidente pour les médicaments. L’année dernière des scientifiques de l’EMBL d’Hambourg, dirigés par Paul Tucker, ont publié les structures de deux protéines, PrrA et PrrB, qui constituent ce système. Leur travail révèle comment la structure de ces protéines change lorsqu’elles interagissent avec leur substrat.
Mais de telles découvertes n’auront pas de répercussions importantes tant qu’elles n’auront pas été traduites en termes de traitements médicaux. Historiquement l’industrie pharmaceutique ne s’est pas vraiment intéressée au développement de médicaments contre la TB, puisque cette maladie était considérée comme une maladie des pays en voie de développement – pays trop pauvres pour acheter suffisamment de médicaments pour amortir les investissements considérables liés au développement de ces médicaments, sans même parler d’en tirer un profit.
Matthias dit qu’il y a, maintenant, des signes encourageants pour que les choses changent. Il est lui-même engagé dans la recherche de nouveaux moyens de financement du développement des médicaments contre la TB, comme les fonds garantis de l’Union Européenne ou une possible collaboration avec des laboratoires en Inde et dans d’autres pays en voie de développement. Même des sociétés pharmaceutiques commencent à montrer davantage d’intérêt, dit-il, maintenant que la Chine et l’Inde sont en train de devenir des puissances économiques majeures.
Étant donné que la TB ne respecte pas les frontières nationales, ce serait un erreur de la part des pays développés d’ignorer cette menace. La TB est une maladie mondiale qui requiert une action mondiale, sinon elle redeviendra une maladie incurable et la triste histoire de Mimi et Rodolfo pourra à nouveau faire vibrer le public occidental.
Resources
- Holton SJ, Weiss MS, Tucker PA, Wilmanns M (2007) Structure-based approaches to drug discovery against tuberculosis. Current Protein & Peptide Science 8: 365-375
- Ma Q, Zhao X, Nasser Eddine A, Geerlof A, Li X, Cronan JE, Kaufmann SH, Wilmanns M (2006) The Mycobacterium tuberculosis LipB enzyme functions as a cysteine/lysine dyad acyltransferase. Proceedings of the National Academy of Sciences USA 103: 8662-8667
- Nowak E, Panjikar S, Morth JP, Jordanova R, Svergun DI, Tucker PA (2006) Structural and functional aspects of the sensor histidine kinase PrrB from Mycobacterium tuberculosis. Structure 14: 275-285
- Nowak E, Panjikar S, Konarev P, Svergun DI, Tucker PA (2006) The structural basis of signal transduction for the response regulator PrrA from Mycobacterium tuberculosis. Journal of Biological Chemistry 281: 9659-9666
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Review
Cet article fournit une bonne explication des récents développements de la tuberculose (TB), et ajoute des détails concernant la ré-emergence de cette maladie qui constitue une menace majeure pour l’humanité, ainsi que sur les efforts globaux en cours pour trouver un remède. En plus de fournir une information scientifique sur les stratégies et les méthodologies employées par les chercheurs pour éradiquer la TB, cet article offre l’occasion d’une discussion:
Comment une maladie peut avoir un effet drastique sur l’évolution d’une autre maladie.
Comment la science moderne n’a plus de frontière et, partant, la solution des problèmes scientifiques, résulte souvent de la collaboration de scientifiques de tous pays.
Comment différents groupes scientifiques adoptent des stratégies différentes dans leur effort pour découvrir une information clé qui les aidera à combattre une maladie.
Le critère utilisé par les compagnies pour investir ou non dans une recherche afin de trouver un remède à une maladie donnée.
Michalis Hadjimarcou, Chypre