La lutte contre les séismes: comment construire et tester des structures antisismiques Understand article

Traduit par Daniel Tirelli. Les tremblements de terre sont le plus souvent dévastateurs. Peut-on lutter pour s’en défendre? Francesco Marazzi et Daniel Tirelli expliquent comment les constructions antisismiques sont conçues et testées.

Carte du risque sismique
dans le monde. Cliquer sur
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l’aimable autorisation de the
Global Seismic Hazard Program

En janvier 2010 à Haïti, 200 000 personnes environ sont mortes et 280 000 maisons furent détruites ou sévèrement endommagées par un tremblement de terre. Plus prés de chez nous, en Italie dans la région des Abruzzes, un séisme aux premières heures du 6 Avril 2009 tua prés de 300 personnes et plus de 60 000 furent évacuées.

Les séismes étant provoqués par le mouvement des plaques tectoniques terrestre, ceux-ci ne peuvent être ni éviter, ni même annoncé avec précision; on peut cependant en faire l’analyse statistique de leur intensité et de leur période de retour. (pour plus d’information, voir Latchman, 2009). On voit alors que pour une région donnée, l’intensité attendue d’un séisme est plus ou moins, inversement proportionnelle à leur fréquence de retour; il y a beaucoup plus de petits séismes que de grands.

Bien que nous ne pouvons y échapper on peut cependant s’en protéger, par exemple en construisant et projetant des structures dites «antisismiques».

Un tremblement de terre est un mouvement du sol caractérisé par des oscillations dans les trois directions; les effets de ces oscillations sur les bâtiments peuvent être considérables. Le mouvement oscillatoire des bâtiments induit par le séisme étant très rapide et les masse des bâtiments en général étant très importante, il apparait dans le bilan des forces des forces d’inerties très importantes et décrite par la 2ieme loi de Newton: force = Masse (du bâtiment) multiplié par l’accélération. Les maisons et les structures communes sont conçues pour supporter leur propre poids, elles résistent donc assez bien à la composante verticale des séismes. Ce n’est pas le cas pour la composante horizontale, qui n’étant souvent pas pris en compte ou sous estimée, provoque alors des dommages importants pouvant conduire à la destruction totale.

Pour des raisons pratiques et économiques, les constructions antisismiques sont calculées pour résister aux séismes les plus forts, même si dans certains cas peut apparaitre un faible endommagement, comme de petites fissures, qui est acceptable car il ne compromet pas la stabilité de l’édifice. D’autres bâtiments, ayant une fonction de sécurité ou étant de grande importance, tel que les centrales nucléaires ou les hôpitaux, doivent par contre respecter un facteur d’endommagement quasiment nul même après un séisme majeur.

Les méthodes de simulation
des séismes: la table vibrante
(à gauche) et le mur de réaction
avec sa plateforme rigide
(à droite)

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l’aimable autorisation d’ELSA

Malgré les énormes progrès réalisé dans le domaine de la simulation numérique des bâtiments soumis aux tremblements de terre, l’expérimentation reste fondamentale pour le développement et le calcul des structures antisismiques. Les tests sont réalisés sur des modèles à grandeur réelle ou à échelle réduite et permettent donc de donner une réponse concrète sur leur résistance, et de savoir ou et comment elles peuvent être améliorées.

Il existe actuellement deux techniques expérimentales complémentaires pour simuler les effets d’un séisme sur une structure: la première est réalisée au moyen d’une table vibrante et la deuxième par un mur de réaction fixé à une plateforme, l’ensemble parfaitement rigide (voir l’image ci-dessus). La table vibrante représente le sol qui sous l’effet du séisme vibre dans une, deux ou trois directions suivant le type de table. Le bâtiment, modélisé le plus souvent à échelle réduite, est fixé sur la table. On peut alors enregistrer les effets. A quel moment la structure s’écroule? Y a-t-il des fissures dans les murs? Comment survient l’endommagement? Pendant combien de temps la structure reste debout? Le test ne pouvant être arrêté avant la fin, toutes ces questions restent sans réponses dans ce type de simulation. Seul l’état final de la structure sera accessible.

Test sismique en 3D sur un
bâtiment à échelle 1 à ELSA

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l’aimable autorisation d’ELSA

Le système mur (et sol) de réaction, par contre, permet le plus souvent de tester de vrais structures. La structure solidement ancrée au sol est alors soumise en des points judicieusement choisis, à des forces horizontales, qui simulent le séisme par l’intermédiaire de vérins hydrauliques à haute pression. Le séisme est reproduit à vitesse réduite (plusieurs heures pour quelques dizaines de secondes en réalité). Ceci permet donc de suivre très précisément l’endommagement en fonction du temps, de faire des pauses pour l’examiner ou s’assurer de son état etc.… Des capteurs de force, de déformation, de contrainte, et de rotation enregistrent les effets du séisme sur le bâtiment.

Le laboratoire Européen pour la sécurité des structures (ELSA)w1, est doté du plus important mur de réaction en Europe, ou de grandes structures (ponts et bâtiments) peuvent être renforcées et réparées de différentes façons pour être à nouveau soumises aux séismes.

L’expérience montre que l’endommagement d’un bâtiment causé par un séisme (appelé aussi vulnérabilité sismique), peut être réduit de différentes façons. Une méthode est de séparer le bâtiment du sol de façon à ce que les vibrations des tremblements de terre ne soient plus transmises aux bâtiments.

Cette méthode appelle aussi, isolation à la base, peut par exemple, être réalisée en utilisant des systèmes à glissières entre la base du bâtiment et sa fondation. Une autre approche est de concentrer les dégâts sur des portions de structures prévues a cet effet: cette récupération d’une partie de l’énergie du séisme etant le plus souvent suffisante pour ecarter le risque de danger du bâtiment. Si par exemple des pièces de renforts métalliques sont insérées au niveau des joints entre poutres et colonnes, une partie de l’énergie du séisme est utilisée à la déformation de celles-ci et n’ai donc pas transférée au reste de la structure.

‘Un epinglage plus serré pour
cette maison de L’Aquila
aurait aidé à résister au
séisme de 2009

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autorisation de Francesco
Marazzi
Eglise de la Conception,
Paganica, L’Aquila, Italie

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autorisation de Fabio Taucer

La conception des bâtiments est très importante. Généralement des bâtiments de formes régulières sont plus résistants aux séismes que ceux de formes irrégulières. En effet ceux-ci sont plus sujet aux effets de torsions, car la distribution des niveaux de contraintes et déformations est plus défavorable. Certains détails peuvent être très importants. Les murs porteurs doivent être très bien connectés entre eux et aux dalles pour former un ensemble unique, semblable à une «boite» dont le comportement de résistance aux efforts sismiques est optimal. Dans le cas des vieilles constructions, l’insertion de tirants et de chainages aux niveaux inferieurs permet de lier entre eux les murs et les dalles, empêchant leur destruction, et repartit les efforts et les déformations sur l’ensemble de la structure. Ceci améliore notablement la capacité de la structure à dissiper l’énergie. Pour les bâtiments neufs le béton doit être armé solidement et confiné par des étriers proches les uns des autres (voir images ci-dessous); ceci améliorant sensiblement la résistance aux séismes à un cout réduit.

Les dispositifs antisismiques sont importants non seulement pour les vies sauvées, mais aussi pour la protection du patrimoine historique de nos villes. Au laboratoire ELSA des expériences en vraie grandeur ont été conduites sur une partie reconstituée de la façade du monastère de Saõ Vicente de Fora à Lisbonne, au Portugal, et à échelle 2 sur la façade reconstruite du Palazzo Geraci de Palerme, en Italie. Les résultats de ces tests ont contribués au développement de règles générales de protection des monuments historiques contre les tremblements de terre.

 

Activités pédagogiques à ELSA

ELSA est équipée de deux petites tables vibrantes facilement transportables, et dédiées aux enfants. Les activitées pédagogiques peuvent être conduites en laboratoire lors de visites scolaires ou étudiantes, ou directement dans les écoles ou universités (voir Anthoine et al., 2010).

Les activités pédagogiques
d’ELSA

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autorisation de Francesco
Marazzi

Une première partie de l’activité est consacré à l’illustration des principes de la dynamique des structures, introduisant les enfants aux concepts de fréquence de résonnance, forme modale et vibration, mais aussi à la notion de capteur et de banque de données. Puis les étudiants sont invités à construire des structures de type «lego» en plâtre qui seront testées sur la table vibrante. Ils sont livrés à leur imagination. Certaines maisons ont plusieurs portes et fenêtres alors que d’autres ressemblent davantage à des bunkers, des pyramides, ou des temples grecs!

Les modèles réduits de maisons sont alors fixés sur la table vibrante et sont soumis à de vrais séismes pré-enregistrés. On demande aux étudiants de décrire ce qu’ils observent et pourquoi les maisons se comportent différemment lorsqu’elles sont soumises au même séisme. On peut alors introduire le concept de risque sismique: une combinaison de vulnérabilité sismique (réponse de la structure à un séisme donné) et la probabilité d’événements sismique donné (quelle intensité de séisme est attendue en un lieu, et avec quelle période de retour): la réponse est immédiate, la seule façon de réduire le risque est d’abaisser sa vulnérabilité; l’homme n’a pas de pouvoir sur le hasard!

L’une des méthodes les plus efficaces pour réduire la vulnérabilité,-l’isolation à la base-, est, elle aussi illustrée sur la table vibrante, par l’insertion sous la plaque de support du modèle en lego, trois petits cylindres de faible rayon. Les tubes séparent donc le bâtiment du sol, et permettent de ne pas transmettre les vibrations crées par le séisme. L’efficacité d’un tel système est clairement mise en évidence. Quand on soumet au même séisme deux modèles, l’un sur les petits cylindres et l’autre directement sur la table, Le modèle isolé reste intact pendant que l’autre s’écroule.


References

Web References

Resources

Author(s)

Dr Francesco Marazzi est professeur auxiliaire de lycée, et conjointement post-doctorant dans le domaine de la dynamique des systèmes au sein de l’unité de mécanique des structures au laboratoire ELSA. Le retour en milieu scolaire, après une expérience de haut niveau dans un laboratoire d’avant garde dans le domaine des séismes, lui permettra de montrer aux élèves l’importance de la physique, des mathématiques et des sciences de l’information pour mieux comprendre les catastrophes naturelles. A ELSA les mathématiques sont utilisées pour développer les modèles numériques, et l’analyse des données et la physique pour l’expérimentation et le développement de nouvelles techniques de protection sismique. Quand à l’informatique elle est omniprésente dans toutes les tâches. En résumé l’expérience d’ELSA lui servira à renforcer la motivation des élèves.

Daniel Tirelli est chercheur pour la Commission Européenne au Laboratoire Européen sur la Sureté des Structures (ELSA), au centre commun de recherche d’Ispra en Italie. L’une des activités principale d’ELSA est le développement des Eurocodesw2, standard européen pour la conception des bâtiments et autres ouvrages d’art, qui seront appliqués en 2010. L’un d’entre eux (Eurocode 8) est dédi aux calculs des structures, et inclus les nouvelles techniques antisismiques, et donne des règles sur la conception, l’expérimentation ou la modification structurelle.

Review

L’article est particulièrement intéressant car il explique clairement comment peut-on projeter et tester des bâtiments parasismiques. Il peut être utilisé comme introduction au cours sur les ondes en général, ou les ondes sismiques, pour des leçons de physique ou géographie. Il est idéal pour l’introduction au thème des tremblements de terre car il explique leur nature, et montre, grâce aux lois de Newton, pourquoi l’endommagement résultant est si important. Il peut être utilisé pour amorcer une discussion à propos des conséquences causées par les séismes, leurs impacts sur la société, et ce qui peut être fait pour limiter les dégâts.

De plus cet article donne les références de lecture et recommande les sites internet qui permettent aux étudiants et scolaires de comprendre comment l’étude des sciences physiques œuvre pour le bien être de la société. Il fait prendre conscience aux étudiants et professeurs de l’utilité des organisations scientifique comme ELSA qui travaille pour la sécurité des citoyens. Bien souvent l’approche de la science est purement académique, ou règne les formules et les théories. Cet article, donne au contraire des exemples concrets sur l’application de la science scolaire à des situations réelles, comme les séismes, qui malheureusement apportent destructions et ravages dans certains pays.

L’article peut être utilisé comme exercice de compréhension pour des sujets où les séismes font partis du programme d’enseignement ou (si ceux–ci ne sont pas inclus dans le programme) à une discussion sur les ondes. Les questions possibles peuvent être:

  1. Qu’est-ce qu’un tremblement de terre?
  2. En référence à la 2ieme loi de Newton, pourquoi la force induite sur les bâtiments est si importantes durant un séisme?
  3. Donner le nom des deux techniques utilisées pour tester les structures antisismiques? Expliquez brièvement leur fonctionnement.
  4. Au vu des récentes catastrophes naturelles qui ont dévastées certain pays, pensez –vous que ces techniques peuvent-elle être plus largement utilisées? Expliquer votre réponse.

L’article peut être utilisé de différentes façon et pour des groupes d’âges différents:

10-12 ans: Pour décrire sommairement ce qu’est un tremblement de terre et permet de donner une information relativement ajournée des derniers événements et de ce qui se fait en Europe dans ce domaine.

12-15 ans Pour introduire le sujet sur les séismes en donnant des informations sur leur nature et comment ils se produisent. L’article peut aussi être utilisé pour montrer qu’une branche de la science est dédié à ces phénomènes et à minimiser leurs effets.

16+: Pour introduire le sujet, qui peut alors conduire à une étude plus détaillée des ondes sismiques. L’article peut aussi montrer comment la science est au service du citoyen. De plus les étudiants peuvent discuter comment chaque pays luttent contre les séismes, et comment la science scolaire peut être appliquée à la réalité.

Catherine Cutajar, Malte

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