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Traduit par Nathalie Bisson. Anastasios Koutsos, Alexandra Manaia, et Julia Willingale-Theune font entrer une technique de biologie moléculaire sophistiquée dans la classe.
Il était une fois un homme dans un petit village. Tous les jours il allait au lac pour attraper du poisson pour son repas. Un jour il attrapait un poisson-chat, le lendemain une anguille_parfois il pêchait un poisson différent chaque jour de la semaine. Un jour cependant, il se demanda combien d’espèces différentes hébergeait le lac, et quelle population de chaque espèce. Comment le savoir? Il était évident que pêcher un seul poisson à la fois ne résoudrait pas ce problème_puisque tout ce qu’il savait, c’est que le lac devait contenir des milliers de poissons. Alors il interrogea internet à la recherche d’idées et il découvrit un livre qui contenait un inventaire de 20 000 espèces de poissons d’eau douce, et la technique pour les attraper.
Finalement, il pensa à une solution complexe mais intelligente: il disposa dans le lac 20 000 lignes de pêche, chacune avec une série d’hameçons. En utilisant les données de son livre de référence, il fixa un appât spécifique aux hameçons de chaque ligne pour attirer les différentes espèces de poisson, et de cette façon créa différentes lignes permettant d’attraper toutes les espèces de poisson. Le reste fut facile: il attendit que les poissons mordent et collecta ses prises.
[note: ceci est une fiction: environ 9000 espèces de poisons d’eau douce sont aujourd’hui connues, et il n’y a pas un appât spécifique pour chacune d’elles.]
Maintenant que la séquence du génome humain a été publiée (en même temps que la séquence de nombreux autres organismes), le défi s’est déplacé sur la détermination du rôle de chacun des gènes, et pour ce faire, les scientifiques élaborent des outils sophistiqués. L’un de ces outils est la puce à ADN.
L’histoire de notre pêcheur est inventée, mais les principes utilisés par cet homme pour découvrir combien de poissons hébergeait le lac sont très similaires aux principes qui soutendent la technologie des puces à ADN_ une technologie qui a révolutionné la façon dont les scientifiques analysent les processus du vivant.
Jusqu’aux années 1990, les biologistes ne pouvaient mesurer l’activité que d’une poignée de gènes dans une cellule à un temps t. Un gène est actif lorsqu’il est transcrit en ARN messager (ARNm), qui à son tour est utilisé pour fabriquer une ou plusieurs protéines.
Frustrés de ne pas pouvoir étudier l’expression de gènes synchrones d’une cellule, les scientifiques commencèrent à rechercher des moyens de mesurer simultanément l’activité de tous les gènes d’une cellule. Pour ce faire, ils devaient trouver combien d’ARNm différents sont présents dans une cellule à un instant t, et à quels gènes correspondaient ces ARN. C’est cette idée révolutionnaire qui a atteint son point culminant dans le développement des puces à ADN. Ces scientifiques créèrent quelque chose de similaire aux 20 000 lignes de pêche de notre histoire.
Ils utilisèrent un morceau de verre traité similaire à une lame de microscopie, et immobilisèrent des échantillons d’ADN simple brin à sa surface, chaque échantillon correspondant à un gène unique. Ces ADN seraient utilisés comme appât pour attirer la molécule correspondante d’ARNm correspondant à ce gène, exactement comme l’appât spécifique attire une espèce particulière de poisson. Lorsqu’on les regardent à l’œil nu, ces amas d’ADN ressemblent à de petits points. Chaque lame de verre est recouverte de milliers de ces points disposés en réseau, constituant une puce à ADN.
Les expériences utilisant les puces à ADN peuvent prendre beaucoup de temps. Les scientifiques doivent préparer les lames à l’avance puis analyser les données des milliers de points. L’analyse requiert une grande expertise en mathématiques et statistiques, et peut prendre des mois. Pour illustrer les concepts sous-tendus par cette biotechnologie dans la classe, faisons une expérience virtuelle.
Le micro-essai simuléw1, développé par le Laboratoire européen d’enseignement des sciences vivantes (ELLS)w2 au laboratoire européen de biologie moléculairew3, est une activité éducative simulant l’utilisation d’une puce à ADN en classe, avec des matériaux courants. Le jeu permet de simuler les différentes étapes qu’effectuent les chercheurs dans la réalisation et l’interprétation d’un micro-essai. Cette activité s’adresse à des élèves de 16-18 ans et peut compléter des cours de génétique, de biologie cellulaire ou traitant des maladies génétiques.
Le protocole pas-à-pas suivant décrit les étapes successives d’un micro-essai réel en parallèle avec les étapes de la simulation. Dans cette activité, le micro-essai simulé sera utilisé pour détecter les différences d’expression des gènes d’une cellule normale et d’une cellule cancéreuse. Vous pouvez télécharger les informations techniques et les conseils de mise en œuvre du micro-essai simulé en classe à partir de ELLS TeachingBase (‘In the classroom’ PDF)w1.
Bien préparé à l’avance, un exercice de base prend environ 1 h. Les exercices d’approfondissement peuvent être utilisés en classe ou constituer un travail donné à la maison.
Un nom de gène (cercles)) | Une couleur de gène | Le même nombre de morceaux de Velcro que d’ARNm pour ce gène | Quantité d’ARNm dans une cellule normale (torches vertes) | Quantité d’ARNm dans une cellule cancéreuse (torches rouges) |
---|---|---|---|---|
alexander fleming | 3 | 0 | 3 | |
barbara mcclintock | 7 | 1 | 6 | |
francis crick | 18 | 9 | 9 | |
jacques monod | 4 | 4 | 0 | |
james watson | 0 | 0 | 0 | |
john kendrew | 3 | 2 | 1 | |
leo szilard | 12 | 9 | 3 | |
maurice wilkins | 6 | 3 | 3 | |
rosalind franklin | 2 | 1 | 1 | |
thomas morgan | 12 | 4 | 8 |
Utiliser une pièce ou une classe où l’on peut faire l’obscurité (avec des rideaux ou des volets).
Les puces à ADN sont imprimées sur de petites lames de verre similaires aux lames de microscopie. Placer de minuscules points à la main sur ces surfaces en verre est fastidieux, aussi les scientifiques ont mis au point des robots imprimeurs. Leurs têtes d’impressions ont des aiguilles spéciales qui conduisent une solution aqueuse d’ADN depuis des réservoirs, vers de minuscules points gravés à la surface du verre. En contrôlant ces robots, on peut maîtriser tous les paramètres de l’essai : le nombre, la taille et la distance entre les points. Jusqu’à 20 000 points peuvent être imprimés sur une lame, et chaque point contient des millions de copies d’ADN spécifique d’un gène.
Dans un micro-essai, la première étape consiste à extraire les ARNm des cellules des deux lots étudiés, par exemple des cellules normales et des cellules cancéreuses du foie. Les ARNm sont extraits selon un protocole classique puis marqués avec un colorant fluorescent: par exemple, vert pour les cellules normales, et rouge pour les cellules cancéreuses.
Les ARNm marqués par les colorants fluorescents sont représentés par les petites torches. Chaque torche correspond à un seul brin d’ARNm d’un gène particulier. Les torches vertes correspondent aux ARNm extraits d’une cellule normale. Les torches rouges correspondent aux ARNm extraits d’une cellule cancéreuse.
Dans l’étape d’hybridation, les ARNm témoins (verts) et testés (rouges) sont mélangés, et on fait passer les molécules d’ARNm sur la surface de la lame de manière à ce qu’ils s’apparient avec le brin d’ADN complémentaire fixé. Les ARNm qui ont une séquence qui n’est complémentaire d’aucun gène ne se fixeront pas. Ceux qui ont une séquence partiellement similaire à celle d’un gène se fixeront faiblement (hybridation non spécifique). Ces molécules seront éliminées lors de l’étape de lavage qui suit.
Il est temps de regarder les résultats de l’expérience pour voir quel ARNm s’est hybridé avec quel gène. Comme les molécules d’ARNm ne sont pas visibles à l’œil nu, les scientifiques peuvent seulement estimer la quantité d’ARNm hybridé en mesurer la fluorescence de chaque spot. En utilisant un scanner laser, la fluorescence rouge ou verte est détectée de manière indépendante et deux images sont produites. En superposant ces deux images, on obtient une figure caractéristique avec des points colorés (voir l’image sur la droite). Un point rouge signifie que le gène est actif dans la cellule cancéreuse, et un point vert signifie qu’il est actif dans la cellule normale. Un point jaune indique que le gène est actif de manière égale dans les deux types de cellules.
L’analyse d’un micro-essai débute par l’évaluation de l’intensité de la fluorescence de chaque point. Ceci est fait automatiquement par le scanner. Bien que l’analyse des images résultantes soit spécifique pour chaque expérience, une étape classique consiste à regrouper les gènes ayant le même comportement, dans une étape appelée le clustering (formation de nuages de points). Après cette étape, les scientifiques essaient de définir les ressemblances et les différences entre les gènes qui appartiennent au même nuage de points.
En fonction des nuages de points établis, pourront apparaître un groupe de scientifiques ayant découvert la double hélice, un groupe de généticiens, un groupe de chercheurs sur les micro-organismes, ou des scientifiques responsables de la création du laboratoire européen de biologie moléculaire.
Après avoir réalise le micro-essai simulé, les élèves peuvent discuter de l’utilisation des puces à ADN en recherche biomédicale, des implications éthiques et médicales de cette technologie. Pour plus d’information, il y a une rubrique ‘Reading club’ dans ELLS TeachingBASEw1w1, avec des versions simplifiées d’articles originaux décrivant comment des puces à ADN ont été utilisées pour répondre à des questions biologiques importantes.
Les auteurs voudraient remercier Rosanna de Lorenzi pour avoir testé et perfectionné l’activité. Ils voudraient aussi exprimer leur gratitude à Mehrnoosh Rayner pour la relecture de cet article, Thomas Sandmann pour son aide à la mise au point du micro-essai virtuel, et John Watson pour ses conseils utiles.
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